• J’enfile mon K-way. Il est huit heures quinze quand nous démarrons, sous un beau ciel bleu. L’air a été frais cette nuit, il l’est encore. Le petit déjeuner a été frugal, un bout de pain restant du pique-nique d’hier midi, conservé par Stéphane et un carré de chocolat.
    La nuit fut courte mais j’ai peut-être dormi plus profondément.
    Notre route est proche. L’Espagne est à nous ; cette journée, qui devrait nous conduire au moins à Serós qui se trouve à cent trente-cinq kilomètres, débute sous de bons auspices.
    La carretera C1313 et el Segre descendent de pair dans cette région de Catalogne qu’est la Noguera.
    La pente est peu accentuée ; nous n’avons plus, en ce début de matinée, notre bande réservée sur le bord de la route. Nous profitons de la belle finition du macadam et du peu de fréquentation des quatre roues, voire plus.
    Dans une nouvelle ouverture des montagnes, s’inscrit un petit bassin vert et bien cultivé, aux champs bordés de peupliers. Peu étendu, le lac du Grau de la Granta, ressemble à un large fleuve encaissé entre des falaises grises d’où jaillissent quelques cascades. La route le longe en corniche.
    Il suffit de passer le pont sur el Segre qui coule paisiblement au pied d’un barrage imposant, pour retrouver notre petite voie sécurisée par ses gendarmes en pointillés blancs. Notre bande de route s’est un peu élargie, nous prenons nos aises sur ses un mètre et vingt centimètres toujours aussi proprets. Passé le pont, l’eau s’éparpille, s’étale à perte de vue ; j’ai l’impression que la montagne n’est plus, que nous sommes dans la plaine.
    J’ai faux sur toute la ligne !
    Nous arrivons à Oliana ; à partir de là, s’étale la Pantá de Rialb, une grande retenue d’eau. Mais nous n’y sommes pas encore dans la plaine ; les pins et les chênes verts sont toujours là, et les Pyrénées catalanes aussi ; un trou noir devant nous, nous le rappelle. Cette fois, nous passons outre le panneau « Phares obligatoires », voyant l’autre bout du tunnel proche et l’absence de circulation.
    A nouveau, l’obscurité se profile sur notre chemin, mais cette fois, de façon plus effrayante. Nous équipons les vélos de toutes nos lumières.
    La route grimpe par moments ; dans l’interminable montée où plusieurs panneaux indiquent Noguera, passage obligé par mon 30x22. La descente est longue et droite aussi, l’ennui c’est qu’on y passe moins de temps que dans la grimpée, je laisse aller l’embarcation jusqu’à cinquante-cinq. Les lacets, dans la deuxième partie de la descente, m’incitent à plus de retenue, je me limite à quarante-cinq.

    Nous avons croisé quelques policiers dont des motards ; ils ne m’ont pas interpellé pour l’absence de protection sur ma tête.
    J’ai remarqué que les quelques gros bahuts passent très au large quand ils nous dépassent, nous roulons l’un derrière l’autre, sans sortir de la bande qui nous est réservée. Ils s’écartent de plus d’un mètre cinquante.
    Très peu de trafic sur cette route qui relie la France à Lerida, quelques camions et autocars sont apparus à partir de dix heures.
    Les premiers oliviers, juste avant Ponts, les premiers arbres fruitiers, pêchers et poiriers ; la plaine fertile, cette fois, ne doit plus être loin.
    Nous roulons depuis deux heures et quinze minutes lorsque nous entrons dans Ponts, il est dix heures trente, nous avons parcouru quarante-cinq kilomètres. Il est temps de reprendre des forces, aussi le premier bar à l’entrée du village est le bienvenu.
    Nous allons prendre notre premier casse-croûte, notre premier bocadillo ; il sera au bacon (ici, on a écrit beicon, cela doit faciliter la prononciation en anglais) avec des tomates. Una caña de cerveza1 est la boisson appropriée.
    Un type est entré dans le bar, costaud, cravaté, téléphone portable à la main, il demande un café. A peine bu, il en réclame un deuxième et sans l’attendre, se dirige vers la machine à sous. Quel bar, en Espagne, n’a pas son « bandit manchot », autre nom de ce genre de machine, en raison de la poignée à actionner ?
    La télé chahute déjà.
    L’accueil a été sympathique, les « adéu » fusent à nouveau.

    Un petit vent de travers gauche nous attend dehors, il est parfumé au cochon. Dix-huit millions de porcins peuplent l’Espagne, cela se sent de temps à autre, aux abords des villages souvent.
    Des nuages blancs encombrent le ciel, loin devant nous, sur la plaine.
    Des champs de blé – « De l’orge plutôt ! », me dit Stéphane – disons des cultures céréalières, loin sur les alentours ; puis des champs de maïs après Artesa de Segre ; nous battons la campagne…
    Nous avons fait un bon casse-croûte, pourtant nous mangeons encore un peu de notre pain noir sur cette route qui est censée descendre mais qui, pour nous contrarier, se plaît à passer par-dessus quelques collines. Quand je fais part de mon braquet de 30x22 à Stéphane que je vois constamment sur son grand plateau, il me réplique, pour me consoler, qu’il a utilisé une fois ou deux son plateau médian !
    Les deux ou trois villages entr’aperçus sont toujours perchés sur le sommet d’une hauteur. Là sur notre droite, je saisis sur ma pellicule le village de Foradada, du moins son versant sud ; à ses pieds, s’étalent, de part et d’autre de la route, des blés dorés.
    La C1313 ainsi que el Segre évitent Balaguer et c’est tant mieux, parce que bien évidemment, la ville domine la plaine, et le panneau sur la route qui y monte indique quatre kilomètres. Mais c’est dommage, car la ville est riche d’histoire, elle fut le dernier réduit du pays Al-Andalus et possède donc un long passé islamique.
    A l’approche de Balaguer, la circulation s’est amplifiée. Il est treize heures, je suppose qu’il est l’heure de la coupure méridienne et que nombre d’employés doivent arrêter le travail, principalement agricole.
    Je crois que nous n’irons pas plus loin que le prochain village, pour nous restaurer et puis ce soleil qui darde sur la route… Le vent d’est, sur notre gauche, souffle maintenant un peu plus fort.
    Trois kilomètres après Balaguer, la route est bien plate et le soleil bien chaud, un village à peine déporté sur notre gauche ; à la bifurcation, nous prenons vers celui-ci, Vallfogona de Balaguer.
    Il est l’heure de notre coupure, il est treize heures quinze ; mon compteur indique quatre-vingt-douze depuis ce matin. Cinq heures de selle, ça commence à cuire !

     1- Un demi de bière


    Je me mets illico en quête d’une pharmacie. Depuis hier, je traîne une petite gêne à mon œil gauche et cela me cause beaucoup de soucis, les compères-loriots ou orgelets étant assez familiers avec le bord de mes paupières ; à traiter de suite pour éviter les complications !
    Le village qui doit faire un peu plus de mille habitants, n’est pas bien grand, bien qu’assez étalé et la farmacía1 est vite trouvée. Parler bobo avec un pharmacien espagnol qui plus est catalan, va me poser problème. Je rentre, « Me duele el ojo. »2, dis-je, pour m’en sortir, en montrant mon œil. Il a bien compris, regarde de plus près ; sa prescription : des gouttes d’un antibiotique léger à mettre trois à quatre fois par jour pendant quarante-huit heures puis espacer.
    Dans la rue, nous avons du succès auprès d’un couple de personnes âgées,
    nous : « Somos Franceses, venimos de Marsella. »3,
    eux : « Tenemos familia en Mont-de-Marsan. »4.
    Nous cheminons, nos montures à nos côtés, dans les larges rues. La chaussée est revêtue de grandes dalles de béton, recouvertes de boue séchée. Des tracteurs sont garés avec leurs remorques chargées de paille. Le village est complètement campagnard ; ici, l’agriculture règne. Il semble avoir été construit pour !
    Pourtant, les deux restaurants sont bien trop chics pour nous, nous optons pour le petit bar Saymon.
    Nous commençons par un bocadillo à la tortilla5. L’omelette est servie entre deux tranches de pain, longues de vingt centimètres. Le second est au jamón6, celui-là est costaud aussi : quatre tranches de jambon cru sur chacune des deux tranches de pain !
    Nous sommes les seuls clients, en début de repas, puis à l’heure de notre café solo7, le bar se peuple ; les conversations sont catalanes.
    Le pépé du bar a lui aussi de la famille en France, à Toulouse.
    Et encore le chahut de la télé, avec Roland Garros ou bien du foot…
    Le sourire et l’amabilité sont de rigueur au bar Saymon, on en redemande. Les prix sont sympa aussi, nous avons fait un festin pour deux mille deux cents pesetas, soit quatre- vingt-huit francs les quatre sandwichs, les quatre bières, le café, l’eau, le tout pour deux bien entendu.
    Nous sortons du bar, il est quatorze heures trente.
    Le soleil est au zénith, les vélos toujours sur le trottoir. Stéphane se pommade, je vais en faire autant ; nous avons pris cette précaution ce matin également, bien nous en a pris ; ma pommade espagnole fort pigmentée a l’air efficace.
    Pendant que je prends en photo Stéphane se pommadant le menton, jugulaire du casque mise, la fille de la patronne du bar écarte les lanières du rideau et pointe son visage.
    Je fais mine de la prendre ; elle s’enfuit à l’intérieur. Elle en ressort peu après, avec un homme aux cheveux blancs, le grand-père probablement. Maintenant, mon appareil n’effraie plus la señorita8, je les fixe tous les deux, souriants, dans l’entrebâillement du rideau. Je leur réclame une carte, ils recevront cette photo.


    1- pharmacie
    2- J’ai mal à l’œil
    3- Nous sommes Français, nous venons de Marseille
    4- Nous avons de la famille à Mont-de-Marsan
    5- omelette
    6- jambon
    7- café noir
    8- jeune fille


    La C1313 est là, proche, nos deux roues ont repris leur place sur la piste qui leur est réservée.
    La région a été verdoyante jusqu’ici mais on sent bien, arrivés cette fois dans cette plaine maraîchère, que la sécheresse doit frapper en cette période estivale.
    Nous sommes sur une longue et interminable ligne droite, plate ; nous descendons très légèrement et allègrement vers Lerida, entre des cultures à perte de vue. Il n’y a pratiquement pas de circulation à cette heure-ci, c’est toujours la pause.
    J’ai tout le loisir d’étudier le comportement de cet « oiseau passereau à plumage noir bleuté et blanc et à longue queue », en bref de la pie, mais l’espagnole, qui folâtre sur la route. Je fais le constat qu’il est identique à celui de la française. Elle est tout autant intrépide, insolente et jacasseuse, mais je ne saurai jamais si le jacassement de la pie de Lerida est catalan ou bien espagnol.
    Au panneau indiquant « Lerida 7 km », les routes s’élargissent, se croisent, la C1313 se perd, la circulation s’intensifie.
    Nous entrons dans le « Polygon industrial »1, une odeur de chimie oubliée vient agresser mes narines. La grosse usine que longe la route doit produire des engrais, probablement pour les campagnes que nous venons de traverser. Le trafic est devenu dense, nous voilà mal à l’aise et aux aguets. Nous quittons heureusement assez vite ces boulevards extérieurs et la circulation infernale des abords de la ville. Il nous faut traverser Lerida d’est en ouest pour prendre la direction de Zaragoza. Direction centre ville, cela est plus calme, plus de poids lourds et la cité est tranquille à cette heure-ci. Les trottoirs sont très larges et des pistes cyclables y ont été aménagées ; en voilà une idée qui est bonne ! Par contre, je me fais rappeler à l’ordre lorsque je m’en écarte et que j’empiète sur le passage réservé aux piétons. Je me range pour faire plaisir au pépé qui m’a gentiment réprimandé mais j’en profite pour le questionner sur la petite route que je veux prendre pour sortir de Lerida.
    Il suffit de passer le pont sur el Segre, de longer la rive droite, de questionner plusieurs fois des passants qui passent pour se retrouver, après quelques hésitations, sur ma petite route. « ¿Por favor, la carretera de Alcarrás ? »2

    Quelques neuf kilomètres sur notre passage réservé, propre et large, une circulation peu intense, les automobiles ont préféré la grande nationale NII toute proche, et nous trouvons Alcarrás. Alcarrás est déserte, la ville dort ; pourquoi, je l’ignore. En France, il est l’heure du goûter et plus.
    Tout est fermé, les volets des habitations sont tous descendus ; les commerces, les bars, ne sont pas rouverts, sauf un, en bout du village, le nôtre. Halte-là, nous avons soif, besoin de repos aussi.
    Le chemin prévu après Alcarrás est une petite route proche du Segre, qui passe par Soses, Aitona, Serós, La Granja d’Escarp, et qui mène à Mequinenza.
    Cette route sur la carte m’avait l’air sympathique mais m’inquiétait toutefois car pas très prononcée sur le papier, se terminant même en pointillés après La Granja, et non numérotée ; j’avais des doutes sur sa praticabilité.

    La soif étanchée, je questionne le barman.


    1- Polygone industriel (en catalan)
    2- S’il vous plaît, la route d’Alcarrás ?

    « ¿ Se puede ir hasta La Granja y hasta Mequinenza por la pequeña carretera, en bicicleta ? »1
    Moi, je connais l’existence de Mequinenza, pas lui ! Il n’y est jamais allé et ne connaît pas non plus ; nous n’en sommes distants que d’une trentaine de kilomètres. Il appelle un client esseulé à l’autre bout du bar. Celui-ci, qui a enregistré ma question, en hochant la tête négativement, répond, avant qu’il ne lui repose la question : « Está muy mala. »2.
    Nous n’irons pas par ma route sympathique.
    Il va nous falloir retrouver les automobiles, sur les deux voies de la NII, la nationale de Zaragoza, jusqu’à Fraga et là, bifurquer vers Torrente de Cinca par la N211. Cela va nous rallonger.
    « ¡Vaya camiones ! »3
    Le trafic est impressionnant sur cette portion de NII que nous sommes obligés d’emprunter sur onze kilomètres. Heureusement, nous sommes à l’écart des trépidations de leur macadam, sur notre parcelle qui s’est élargie. Elle disparaît par ici un petit moment, nous pressons le pédalage et serrons les fesses. Nous la retrouvons par là. Pas question de s’entendre pédaler avec le bruit assourdissant des camions. J’ai l’impression que le souffle court des plus rapides et des plus gros me fait avancer plus vite. Plus on est de folles, plus on rit, les deux voies sont trois maintenant et nous voilà à l’extrême droite, comme si on allait nous aussi prendre l’autoroute ! Alors que c’est tout droit qu’on veut aller !
    Pas question de couper la bretelle de l’autoroute A2 que trop d’automobiles convoitent en ce moment ; je dis à Stéphane de continuer jusqu’au bout, on va attendre le dernier moment pour s’arrêter et traverser dans des conditions plus sûres.

    Une bonne côte avant Fraga, que je finis sur mon 30x20 ; au sommet, horreur, un tunnel ! En pleine plaine, une colline avec un tunnel, et deux cyclos à l’intérieur qui essayent d’en sortir le plus vite possible.
    La circulation se densifie dans Fraga. Sur le pont du río Cinca qui passe par là, un coup de klaxon me fait retourner. Il est destiné à Stéphane, qui vient de perdre son sac de couchage, il s’est heureusement retrouvé bien calé contre le trottoir.

    A la sortie de la ville, je blêmis, nous nous retrouvons cette fois dans un flot de véhicules sur quatre voies, heureusement sur celle de droite. Les panneaux aériens indiquent Huesca pour la nôtre, Zaragoza pour les deux du milieu et Mequinenza pour celle de gauche, notre direction. La cohabitation est trop dangereuse pour nos deux corps étrangers. Il nous faut faire preuve de ruses pour sortir de ce traquenard. Tous les camions sont au centre, direction Zaragoza, nous sommes sur la ligne Barcelone-Madrid.

    Sur la N211, nous retrouvons le calme ; on peut à nouveau découvrir le paysage, un paysage plus serein.
    Des vergers, en veux-tu, en voilà ! Etonnant, car les collines qui les bordent, côté ouest sont complètement désertiques et desséchées. L’eau du río Cinca doit suppléer l’eau de pluie.

     
    1- Est-il possible d’aller jusqu’à La Granja et jusqu’à Mequinenza par la petite route, en bicyclette ?
    2- Elle est très mauvaise
    3- Que de camions !


    Ici, on cueille déjà les pêches, elles sont plus en avance que celles des pêchers vus ce matin. Nous longeons poiriers, pommiers, et aussi cerisiers. Dans la matinée, nous avons pu voir différents niveaux de maturation des blés, entre le bas des Pyrénées et Balaguer où les moissons étaient déjà commencées.

    A Torrente de Cinca, alors que je mets pied à terre, Stéphane me propose d’arrêter là, les compteurs affichent cent cinquante, les jambes autant, et il doit juger mon état pitoyable. J’acquiesce bien volontiers.
    Nous avons vite fait le tour de ce petit village : pas d’hébergement possible ici !
    Nous n’avons pas le choix, il nous faut rallier Mequinenza, à quinze kilomètres, direction sud.
    Quinze kilomètres qui n’en finissent pas, même si la route est plate, car la fatigue et le vent qui se lève ne nous arrangent pas.
    Peu après le confluent du río Cinca et de el Segre, le lit s’élargit notablement. Et Mequinenza qui n’arrive pas...
    Des deux côtés de la route, pas très loin, des hauteurs desséchées semblent nous épier.
    Je termine mon troisième bidon d’eau, c’est le premier jour où trois bidons m’ont été nécessaires ; jusqu’à maintenant, mes deux trois quarts de litre suffisaient. Aujourd’hui, l’étape a été longue et chaude.
    Le panneau Mequinenza surgit, comme une délivrance.
    Contre un mur de soutènement, j’appuie mon vélo ; je veux prendre en photo ce panneau tant attendu.
    La ville s’étire le long du large lit qu’ont formé les deux fleuves. Au centre, j’aperçois l’hostal 1 Rodés, noté sur ma feuille de route, il affiche une étoile. Deux pépés sur le trottoir m’indiquent que, plus loin dans la rue, il y a una pensión2 ; on va déjà demander les prix ici. La propriétaire a des chambres libres, elle nous propose una habitación doble con baño3 à cinq mille cinq cents pesetas.
    « Es demasiado caro para nosotros. »4, ose-je lui dire !
    Elle m’en propose une sans salle de bains, celle-ci n’est pas loin dans le couloir, c’est la porte en face de la chambre, à quatre mille cinq cents. C’est OK pour nous ; à deux, on s’en sort bien et quel luxe, il y a un lavabo, la télé et la climatisation ! Pour ce qui est de cette dernière, je m’empresse de vérifier qu’elle ne fonctionne pas.

    En Espagne, les hôtels les moins chers sont les fondas, qui font la restauration, puis viennent les casas de huéspedes et posadas, les hospedajes et les pensiones qui ne font pas toujours pension complète et qui souvent ne servent pas le petit déjeuner. Les hostales et les residencias sont bon marché aussi, les hoteles sont plus chers et peuvent être classés avec cinq étoiles. Les paradores ne sont pas pour nous ; ils sont situés dans des sites exceptionnels (les Parador sont luxueux et appartiennent à l’Etat).

    Une trop longue étape encore aujourd’hui : cent soixante-six kilomètres et neuf heures de selle, il va falloir arrêter cette cadence si on veut aller jusqu’au bout, sans casse.
    Il est dix-neuf heures quinze.


    1- un hostal n’est pas tout à fait un hôtel mais ça y ressemble beaucoup
    2- une pension
    3- une chambre double avec salle de bains
    4- C’est trop cher pour nous


    L’hôtelière nous a fait ranger nos vélos dans une pièce adjacente à la cuisine, entre du linge étendu et des réserves de victuailles. Nous passons par la cuisine pour regagner le hall d’entrée.
    En Espagne, il y a obligation de laisser sa carte d’identité à la réception, Stéphane laisse la sienne.

    La douche a levé un peu de fatigue, nous voilà plus frais. J’entends pétarader les pétrolettes dans la rue ; ce soir, on sera moins au calme que la nuit précédente, du moins le crois-je !
    Pour nous remettre complètement, il faut maintenant aller nous rassasier quelque part. Au bout de la grand-rue, nous trouvons un petit restaurant, c’est l’endroit que nous ont indiqué tout à l’heure les pépés, il s’agit bien d’une pensión. Nous optons pour le menú del día1 à mille cent pesetas. Il y a peu de monde dans la salle, mais déjà trop de fumeurs, dont deux pépés fumeurs de gros cigares.
    Sopa2 pour Stéphane, ensalada mixta3 pour moi, puis lomo de cerdo con patatas fritas y pimientos 4 pour les deux. Après ça, Stéphane me dit qu’il a encore faim ! Je demande s’il est possible d’avoir des pâtes : « ¿ Hay pastas ? »5.
    « ¡ No hay ! »6 ( à prononcer « Noailles », comme le bien connu quartier marseillais).
    Je lui suggère alors una tortilla con patatas7 ; ça le calera définitivement pour ce soir.

    A la télé, on présente la météo. Demain en Aragon, où nous sommes, le programme est peu ragoûtant. Orages violents, foudre, sont annoncés ; des recommandations sont données, on parle de tormenta8. Par contre, pour dimanche, les conditions devraient être meilleures. Cet après-midi, j’ai noté que les nuages prenaient de plus en plus de place dans le ciel, surtout vers l’ouest, notre direction. Les sommets, lointains, n’étaient pas très clairs.
    La salle se peuple beaucoup plus entre vingt-deux et vingt-deux heures trente. A vingt- deux heures, le film à la télé a commencé : « La ventana de enfrente » con Christopher Reeve9. Stéphane fait les comptes : un quart d’heure de film, un quart d’heure de publicité…
    Les deux pépés et leurs gros cigares sont maintenant affairés aux machines à sous. J’espère qu’ils en ont plein leurs poches, des pièces ; je les préfère là-bas !
    Tout le tour de la salle, près du plafond, dans leurs cages de verre, des monstres d’eau douce, bien vernis, veillent. Plus bas, sur les murs, des pêcheurs s’amusent ; c’est à celui qui montrera la plus grosse pièce, qui son silure, qui sa carpe, qui son brochet ou son « black bass » (perche américaine) comme ils ont ici.
    Mequinenza est au confluent du río Cinca, de el Segre, et du río Ebro. Un barrage construit entre 1957 et 1964 a formé un gigantesque lac artificiel appelé Mar de Aragón qui s’étire sur plus de soixante kilomètres. Plus en aval, un autre barrage a formé la retenue d’eau de Riba-roja. Mequinenza est un lieu privilégié pour les sports nautiques, dont la pêche.

    1- menu du jour
    2- potage
    3- salade mixte
    4- filet de porc avec pommes de terre frites et poivrons
    5- Y a-t-il des pâtes ?
    6- Il n’y en a pas !
    7- une omelette aux pommes de terre
    8- tempête
    9- « La fenêtre d’en face » avec Christopher Reeve


    Au plus fort du brouhaha du restau et du bar, de la télé, des machines à sous et des conversations, nous n’avons rien capté de l’extérieur.
    Lorsque nous sortons, vers vingt-trois heures, une désagréable surprise nous attend dehors. Il pleut, il tonne ; des éclairs illuminent les nuages noirs.
    Le mauvais temps a commencé avant l’heure prévue par la météo ! C’est peut-être bon pour nous, si la tormenta, comme ils disent, est en avance sur les prédictions ! Cette nuit, il peut pleuvoir sur les trottoirs des grands boulevards de Mequinenza, mais pas demain… L’hôtel est à l’autre bout de la rue, et il nous faut le regagner maintenant ! Décidément, comme sports nautiques, ici, on a le choix, ou pas ! On accélère, en rasant les murs ; on ralentit, sous les arcades ; mais à l’arrivée, nous sommes plutôt humides.
    Dans le hall de l’hôtel, le canari panique dans sa cage, il a l’air tout affolé ; sont-ce les éclairs ?
    De notre chambre, au deuxième étage, nous l’entendons piailler. Par contre, les pétrolettes, sous ce déluge, ne pétaradent plus.
    Je mets mes gouttes, j’en ai mis plusieurs fois dans l’après-midi ; mon œil a l’air d’aller mieux...

    Nous avons rencontré encore aujourd’hui des gens pleins de bonnes intentions, prêts à rendre service ; ils nous ont tous renseignés aimablement, en s’inquiétant même de notre sort de cyclos itinérants.
    Quel sera-t-il demain ? Mais demain est un autre jour…

    J’ai eu le bonjour de Roger ce soir, il a demandé de nos nouvelles à Michèle…

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    La route le longe en corniche.

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Je saisis sur ma pellicule le village de Foradada, du moins son versant sud ; à ses pieds, s’étalent, de part et d’autre de la route, des blés dorés.

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Vallfogona de Balaguer, nous cheminons vers le bar Saymon.

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Maintenant, mon appareil n’effraie plus la señorita...

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Stéphane se pommadant ; le menton y a droit !

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Il nous faut traverser Lerida d’est en ouest  ; d'abord franchir el Segre.

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Direction centre ville, de larges trottoirs, des pistes cyclables y ont été aménagées.

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Fraga, sur le pont du río Cinca, coup de klaxon derrière nous, Stéphane vient de perdre son sac de couchage !

     

    Vendredi, 9 juin 2000. En descendant el Segre.

    Contre un mur de soutènement j'appuie mon vélo, je saisis ce panneau tant attendu... après neuf heures de selle sur ma monture ; une trop longue étape.


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  • Le gazouillis des oiseaux, côté Têt, me réveille ; la fenêtre donne sur la rivière et les vitres sont toutes embuées, la nuit a dû être fraîche.
    Par contre, j’entends aussi, à l’opposé, côté route, le brouhaha des premiers camions. Il est six heures moins le quart. J’ai encore trois quarts d’heure, mais je ne me rendormirai pas.

    Nous revoilà, avec tout le bataclan, prêts, sur notre aire d’activité. Le ciel est complètement dégagé, d’un bleu clair limpide comme il le laissait présager hier soir ; pas le moindre souffle d’air en ce début de journée.

    Adieux à José qui rebrousse chemin, il a des amis à quarante-cinq kilomètres d’ici, du côté de Perpignan, chez qui il va s’arrêter, puis il rentrera, en traçant au plus court.

    Hier soir, entre Vinça et Prades, la route commençait à être très légèrement vallonnée ; ce matin, les choses sérieuses vont démarrer, Mont-Louis est à mille six cent treize mètres et nous, ici, à trois cent cinquante.
    Nous passons Prades qui est très proche, ensuite la nationale 116 devient plus pentue, quelques passages permettent cependant de récupérer. Après Olette, cela devient plus dur.
    Mais vais-je trouver ce matin, maintenant il y a urgence, la grille pour mon rasoir – j’ai l’usagée dans la poche arrière de mon maillot – et la crème solaire qui me font défaut ? Il doit me rester suffisamment de francs pour l’achat des deux. A Prades, il n’était que huit heures trente, les magasins ou supermarchés repérés étaient fermés ; à Olette, je n’ai pas trouvé non plus.
    Nous remontons la Têt, je suis aux avant-postes, Stéphane préfère se maintenir derrière. « Je m’adapterai », dit-il. Il vaut mieux car le bougre est bien plus costaud que moi, je monterai à mon train  !
    Un petit train jaune serpente la vallée comme nous, mais en ce moment, il est de l’autre côté de la rivière qui descend sur notre gauche ; lui, il passe à l’ombre. Là, il nous dépasse, un peu plus loin, on le rattrape. Il est passé par ici, il va repasser par là… La partie de cache-cache va durer pendant presque toute l’ascension.
    Déjà le soleil donne… du rouge aux peaux pâles, le pas pâle que je suis y a droit itou.

    Non, je ne rêve pas, je sens un petit air venir subitement par l’arrière !
    Il vient à point, alors que l’on aborde véritablement la montée ; pas pour longtemps, au détour du virage suivant, je déchante, le vent cette fois nous gifle. Dommage que sur la route, on n’ait pas assez de large… pour tirer des bords…
    Dans ces passages encaissés, entre des pics qui foisonnent de part et d’autre de la route, le vent s’engouffre par ici, ressort par là…

    Petite halte à Thuès, à deux roues de la nationale, car je voudrais bien tenter de récupérer les arrhes versées au gîte Mas de Bordes où nous devions nous arrêter hier soir ; monsieur Peeters, lui, les avait exigées.
    Petit tour, à pied, du semblant de village dont les ruelles agrippées au flanc de la montagne sont, en ce jeudi matin, exemptes de toute âme. Petit tour d’où nous allons revenir penauds quand un automobiliste – il y a bien âme qui vive ici – nous indique que le village de Thuès-entre-Valls se trouve quelques kilomètres plus avant et qu’ici, on est à Thuès-les-Bains !
    Nous en avons profité pour nous ravitailler avant le final de l’ascension, restent quelques dix-sept kilomètres. J’ai entamé avec parcimonie et bien sûr avec Stéphane, ma réserve d’en-cas : une demi-tranche de pain d’épice et deux pâtes de fruits chacun.
    Toujours sur le même versant, sept kilomètres plus loin, c’est cette fois Thuès-entre-Valls. Monsieur Peeters m’avait indiqué : « Au centre du village, passez le pont, puis l’église… ». Nous ne trouvons pas plus de gîte Mas de Bordes à Thuès-entre-Valls qu’à Thuès-les-Bains !
    Mais il est où votre gîte monsieur Peeters ?
    La préoccupation du jour étant autre, revenons vite à nos bicyclettes.

    Le 42x24 me seyait bien jusqu’à ces deux Thuès ! Maintenant, il faut que je me mette sur mon trente et un, mais au mien, il manque une dent, je passe en fait sur mon trente. Dans un premier temps, je tiens avec le vingt à l’arrière, mais un court temps seulement, le vingt-quatre est plus approprié.
    A Pont Séjourné (du nom de l’ingénieur qui l’a conçu : Paul Séjourné), nous voilà à mille mètres, mais encore à douze kilomètres de Mont-Louis. C’est pour notre petit train de tout à l’heure qui remonte la Têt – il s’agit en fait du petit train jaune de Cerdagne – qu’on a construit cet impressionnant viaduc en pierres de taille, pour lui faire enjamber la vallée.

    La montée est devenue raide, j’adapte pratiquement mon allure à la pente de la route, j’avance à huit kilomètres à l’heure sur une pente que j’estime à huit pour cent.
    A Fontpédrouse, me vient le blues, car voyez-vous, le sommet est à exactement dix kilomètres sinueux et il ne me reste plus que deux petites ratounes en réserve (c’est Léa qui va rire) ! Le petit train, lui, fait une pause.
    D’autre part, j’ai un petit « tic-tic » au niveau du pédalier, un bruit régulier et agaçant que je n’arrive pas à situer et qui me perturbe fortement. Mon boîtier de pédalier a un an et demi d’âge et à peine quatre mille kilomètres et qui plus est, c’est un modèle étanche de chez « Shimano ». Mais d’où peut bien venir ce grincement ?
    Avant le sommet, de cinglantes bourrasques nous repoussent, on résiste mais notre vitesse chute un peu plus. Sous ce ciel pur, un doux zéphir aurait été plus adéquat.
    J’ai égrené les kilomètres à l’aide de mon compteur que j’ai tout le loisir de voir tourner, d’autant qu’il ne s’affole pas trop, lorsqu’à la fin du neuvième, Stéphane qui me suit de près, m’avertit tout bonnement qu’il n’est pas loin de l’hypoglycémie mais qu’il pense tenir debout pour ces dernières centaines de mètres.

    Nous arrivons difficilement aux abords de la plus haute ville forte de France, l’ascension dure véritablement depuis Olette, c’est-à-dire depuis vingt kilomètres ; il est midi.
    Ici, il n’y a rien de ce qui est vélo, pas assez de Montlouisiens dans ces remparts élevés par Vauban.
    On m’indique qu’à Bourg-Madame, j’aurai plus de chance de trouver un réparateur. Il est à peine midi et quart, déjà quelques rideaux se baissent, les commerces vont fermer ; comme nous n’avons pas l’intention de nous payer le restaurant, il devient urgent de faire quelques courses.
    Jambon, pâté de campagne et fruits constituent le menu de notre déjeuner que nous prenons sur la pelouse, près de la porte d’entrée de la ville, le tout arrosé d’une bouteille de Vichy Saint Yorre.
    La route est là, devant nous ; quelques rares touristes pour nous distraire, pas plus que ce matin dans la montée. J’ai hâte de la reprendre, pour vite aller régler le problème de mon vélo, et puis l’Espagne est là, toute proche.

    Un peu de plat, sur ce sommet, nous mène au col de Perche, sensiblement au même niveau que Mont-Louis, à quelques trente-quatre mètres près ; puis une descente nous conduit à Saillagouse où, à tout hasard, je m’enquiers à nouveau auprès d’un automobiliste. Ici, personne ne pourra me dépanner mais il me confirme qu’il y a un marchand de cycles à Puigcerdá, qui jouxte Bourg-Madame, et que c’est le seul de la région.
    La N116 s’arrête ici, à Bourg-Madame, elle devient espagnole et continue son chemin en N152, jusqu’à Barcelone.
    Il est presque quatorze heures trente quand nous trouvons ce vélociste à la sortie de la ville, le passage de la douane est à une soixantaine de mètres. Nous avons dû passer la française sans nous en apercevoir car celle que nous apercevons est l’espagnole. Le magasin, bien qu’en limite de Bourg-Madame, est dans la commune de Puigcerdá.
    Je suis seul à l’intérieur, planté au milieu de beaux vélos ; j’arrive juste à l’ouverture !
    Un jeune homme émerge enfin du sous-sol où doit se trouver l’atelier, c’est un Espagnol, il parle très bien le français. Ma « Vanoise » est auscultée sur le champ. Il tombe une manivelle, le pédalier n’a pas de jeu ; il resserre modérément la cartouche, il graisse les deux extrémités de l’axe et remonte le tout ; il ne voit rien d’anormal à ce pédalier. L’opération qui a suivi l’examen a été impressionnante de rapidité. Je pars essayer la machine, je file en direction des douaniers qui me voient faire demi-tour, le bruit persiste mais uniquement avec le petit plateau. Cette fois, le spécialiste examine les pédales, leur pulvérise un lubrifiant ainsi que sur l’ensemble des plateaux. Nouvelle tentative vers les douaniers, cette fois le bruit a disparu !
    Personne ne sait pourquoi, mais il a disparu, c’est déjà ça !
    Comme je ne savais pas ce que coûterait ce dépannage et que mes fonds, ceux en francs, sont assez bas, j’avais prévenu Stéphane qu’il aurait peut-être à me faire quelque avance. Il n’en sera rien car mon mécano répond à ma demande que je ne lui dois rien. Le dépannage m’a remonté le moral et sa bienveillance me va droit au cœur.
    Je croyais à notre arrivée tout à l’heure que le magasin venait à peine d’ouvrir ; en vérité, l’heure de fermeture est quatorze heures, il faisait du rabiot pour terminer un travail urgent, c’est pour ça qu’on l’a trouvé là. Si ce n’est pas ça, la chance !
    Il réouvre sa boutique à seize heures.

    Cyclos en difficulté dans les parages, allez voir IRIS ESPORTS , au seize de l’avinguda de França1 à Puigcerdá, juste à la sortie de Bourg-Madame, le vélociste est sympa. Je lui demande sa carte, je le recommanderai auprès de la Fédération.

    1- avenue de France (en catalan)


    Quand on lui parle de notre périple, il nous dit qu’il doit se rendre à Grenade, le week-end prochain, où vont se dérouler des championnats de vélo tout-terrain, sur la Sierra Nevada.

    Les douaniers espagnols me voient arriver une troisième fois ; cette fois, je passe. L’Espagne est à nous !

    « ¡ Hola España ! ¿ Qué tal ? »1

    A nous les petites… routes espagnoles, mais en attendant de les emprunter, nous aurons ces deux kilomètres de N152 et bien d’autres, sur la N260 puis la C1313, jusqu’à Lleida. Ce sont de grandes nationales mais cet après-midi, la circulation n’est pas très intense et puis il y a cette bande bien délimitée et propre d’environ quatre-vingt centimètres qui nous permet de rouler à l’écart du trafic.
    « ¡ Mira, vacas ! »2, me dis-je ; nous n’en avons pas vu du côté français. Il faut bien causer espagnol !
    Nous avalons ces kilomètres qui nous disent « mangez-nous », la route est porteuse.

    Un trou noir devant nous : le premier tunnel ; la Policía3 est du côté gauche, et s’en donne à cœur joie, elle verbalise les automobilistes qui en sortent, les phares non éclairés. C’est obligatoire, c’est signalé à l’entrée, il est difficile de ne pas le voir. Aussi, je fixe les deux éclairages à pile que je transporte dans ma sacoche avant ; la randonneuse de Stéphane, elle, est équipée d’origine.
    Pas vraiment efficace le projecteur avant, je ne suis pas rassuré. Deux autres tunnels suivent et toujours le même problème, l’éclairage qui est fixé sur le tube de direction ne tient pas, il éclaire tantôt sur la droite, tantôt sur la gauche ; je ne vois donc pas grand-chose du macadam devant ma roue… la hantise du trou… de longues minutes de stress. J’essaye tant bien que mal de le ramener dans le droit chemin ; le système de blocage laisse à désirer.

    Par quatre fois, j’ai frôlé la Policía, la tête nue ; aucune réflexion ou réprimande de leur part. Le port du casque a été rendu obligatoire pour les cyclistes, en Espagne, au début de cette année 2000. Le jeune du magasin de Puigcerdá à qui j’ai posé la question tout à l’heure, m’a dit qu’ils n’étaient pas sévères avec cette nouvelle « recommandation ».

    Nous en sommes à une cinquantaine de kilomètres depuis la frontière, lorsque nous entrons dans La Seu d’Urgell. A l’entrée de la ville, nous avons droit à un « Adéu »4 magistral d’un cyclo catalan que nous croisons ; il n’a pas de casque.

    « ¡ Da el sol también por este lado ! »5. La chaleur est plus importante, le soleil pique davantage. Aujourd’hui, c’est le bas des jambes, au-dessus des chaussettes, qui a rougi.

     

    1- Bonjour l’Espagne, comment ça va !
    2- Regarde, des vaches !
    3- Police
    4- Salut (mais le plus souvent au revoir ; en catalan)
    5- Le soleil donne également de ce côté !


    Dans une grande ville comme celle-ci, ça devrait être facile de trouver ce que je cherche en vain depuis ce matin. C’est l’heure des emplettes dans les petites ruelles de La Seu.
    Stéphane se procure une carte de l’Espagne, moi ma crème solaire et enfin, au troisième magasin d’électroménager – la plus petite boutique des trois – ma grille « Braun », qui sera noire et non plus grise. Ces deux articles ne sont pas meilleur marché ici, qu’en France.
    Stéphane tient à arroser son entrée dans la péninsule ibérique. C’est notre primera cerveza1, à l’ombre des platanes de l’immensément longue Passeig Joan Brudieu2.

    Que viva España
    La vida tiene otro color
    España por favor3

    La feuille de route prévoit comme étape de ce soir Organyá ou éventuellement Oliana plus loin. La première est à vingt-trois kilomètres, la seconde à quarante-quatre. Etant donné qu’il est dix-huit heures quinze et qu’on s’est un peu reposé dans cette ville agréable de La Seu située à sept cents mètres d’altitude et que ça devrait descendre, on va continuer jusqu’à Organyá où j’ai trois adresses pour la nuit.
    La route longe la rivière el Segre4 depuis notre entrée en Espagne. A Adrall, la N260 nous quitte, elle s’éloigne vers la droite, vers les hauteurs ; la C1313 prend la suite, son revêtement est récent, et on dispose toujours de notre bande de macadam délimitée par de petits ralentisseurs qui nous protègeraient d’ automobilistes indélicats. Dans l’ensemble, la route est descendante mais quelques remontées, de temps en temps, cassent notre allure et nous avons un léger vent de face.
    Au niveau d’Els Hostalets, les roches d’un rouge très foncé tranchent avec le vert des pâturages. Nous traversons des gorges qui débouchent sur le village d’Organyá, terme de la journée, il est dix-neuf heures quinze ; il est temps d’arrêter.

    La journée a été pénible. Dure matinée, je les ai trouvés bien lourds mes dix ou onze petits kilos de chargement pour monter à Mont-Louis. Long après-midi avec quatre vingt-cinq kilomètres, ce qui nous fera pour ce jeudi, cent quarante. Mon guidon s’est à nouveau désaxé, comme hier à Saint-André-de-Roquelongue, je l’ai resserré, sans trop, les deux fois.
    Je me rends compte que le parcours prévu sur le papier et ses kilométrages journaliers sont difficiles à tenir, bien ambitieux.

    Joan Peñalvert, un internaute sympathisant, avait répondu à un de mes messages lancé sur le web espagnol et m’indiquait « El Albergue Santa Fé, justo a la salida del pueblo, hacia la derecha, pregunten por Trufi »5, comme possibilité d’hébergement dans ce petit village.

    Nous trouvons assez facilement, c’est un grand bâtiment, de construction récente mais voilà, il est fermé ! Retour sur nos pas pour trouver une cabine téléphonique en ville (j’ai des cartes de téléphone que Cécile m’a procurées) et appeler le numéro indiqué par Joan.

    1- première bière
    2- Promenade Joan Brudieu (en catalan)
    3- Que vive l’Espagne, La vie a une autre couleur, L’Espagne s’il vous plaît
    4- le Segre
    5- L’Auberge Santa Fé, juste à la sortie du village, sur la droite, demandez le señor Trufi


    Le señor Trufi est absent, il est à Barcelone pour quelques jours mais la dame qui me répond me donne le numéro d’une señora qui a les clés de l’albergue.
    Je l’appelle ; elle va venir nous ouvrir. Mon espagnol n’a pas l’air trop mauvais, je me suis fait comprendre pour ces deux premières communications.
    Retour vers l’albergue ; la dame ne tarde pas, effectivement, et très aimablement nous montre l’établissement et notre chambre. Cela ressemble à ce que je crois savoir d’une auberge de jeunesse ou plutôt, d’un centre de vacances pour jeunes. Nous dormirons dans une chambre pour quatre, les deux lits sont à étage ; nous avons, dans la pièce d’à côté, quatre douches, deux W.-C., par contre, ni drap, ni couverture.
    On peut rentrer nos vélos au rez-de-chaussée et il n’est pas nécessaire de les attacher ; «¡ aquí no pasa nada !»1, précise-t-elle.
    Nous réglons le montant de la chambre qui est de trois mille pesetas2 pour deux, c’est à peine le prix d’un gîte en France ; cela convient à la gérante et aux pressés que nous sommes ; ainsi, demain, nous aurons toute liberté pour quitter les lieux, tôt, et nous ne la dérangerons pas. A ma demande, elle nous indique un petit restaurant dans la grande rue du village, tenu par une de ses amies ; nous y serons bien reçus ! Elle laisse la porte d’entrée ouverte. «¡ Aquí no pasa nada !» dit-elle.
    Nous sommes seuls dans cette grande bâtisse ; je m’attarde sous la douche, j’ai l’impression que la fatigue s’évacue. Pour cette première étape en Espagne ou presque, ici c’est la Catalogne, cela se voit et cela s’entend, nous avons de la chance ; merci Joan.

    En traversant Organyá, tout à l’heure à notre arrivée, cela fleurait bon la crotte de bique et la bouse de vache, et la vigilance était de mise pour éviter les nombreuses fientes fraîches sur l’avenue principale. Maintenant qu’on chemine sur le trottoir, on peut voir en contrebas, au pied d’un haut immeuble, à deux pas de la grand-rue, le troupeau de biquettes qui a dû rentrer au bercail juste avant notre arrivée. Nous avons échappé à la cohue caprine…
    Organyá est un village de montagne, à plus de cinq cents mètres. Ici, la campagne fait bon ménage avec la ville.

    La nuit tombe, claire…

    Nous trouvons facilement le bar restaurant recommandé. Nous sommes les seuls à dîner en ce jeudi soir, ou presque ; les patrons mangent en même temps que nous, dans un recoin près du bar. Nous avons préféré les pâtes.
    Stéphane ne se fait pas prier pour une deuxième tournée ; je le suis, d’autant qu’elles sont fameuses ces pâtes con sepias3. La patronne sert son bonhomme de mari, mange, nous prépare les plats et elle trouve le moyen d’être à nos petits soins.

    Il nous en coûtera, avec le dessert et la boisson, quarante-huit francs chacun, que nous réglons en pesetas bien sûr.

    La télé nous distrait, nous sommes attentifs à la météo qui prévoit du beau temps pour demain et qui montre la carte des pollens, le rhume des foins et autres allergies sévissent aussi au-delà des Pyrénées...

    1- ici, ça ne risque rien
    2- à multiplier par quatre et diviser par cent pour avoir des francs
    3- avec des seiches


    Les quatre clients venus consommer au bar ce soir ont été très prévenants, ils nous ont tous lancé un « buen provecho »1. Après ce plein d’énergie, nous avons hâte de regagner notre château en Catalogne, « obert tot l’any »2, comme ils disent, dans leur dialecte. Les « adéu »3 sont chaleureux.
    En nous rendant vers le nôtre de bercail, dans la grand-rue déserte, qui n’est autre que la C1313, un tracteur est garé avec sa remorque chargée de fumier ; à côté, un bar.
    On est un jeudi soir sur la Terre, mais sur la terre d’Espagne.
    L’heure est tardive maintenant…
    Notre alberg4 est toujours au même endroit, c’est toujours un grand bâtiment, toujours de construction récente, et nous, nous revoilà à nouveau devant la porte fermée à clé !
    « ¡ Madre de Dios !»5, que se passe-t-il ?
    On relève le numéro de téléphone inscrit sur la porte, c’est le numéro que m’a donné tout à l’heure la dame chez le señor Trufi ; ça doit être le numéro de la personne qui est venue nous ouvrir. Vu que nous n’avons pas le moindre crayon sur nous pour le noter, il nous faut mémoriser ces neuf chiffres ; à deux, c’est plus facile et puis il y a un 22 parmi eux !
    Retour au village, la cabine est toujours là, c’est une chance ! Le téléphone sonne mais il n’y a personne qui répond !
    « ¡ Madre de Dios ! »5
    Il ne reste plus que la patronne du restaurant pour nous dépatouiller de cette embrouille, puisque c’est une connaissance de la dame aux clés, en espérant qu’ils n’aient pas encore tiré le rideau.
    Il n’y a plus un seul client au restaurant, et la dame s’apprête à fermer ! J’explique notre mésaventure, elle est toute consternée de nous savoir sans le gîte !
    Aussitôt, c’est le branle-bas de combat. A l’intérieur, elle téléphone, deux appels, en vain ! Pendant que le mari reste avec nous sur le trottoir, la dame s’affaire, elle doit demander où se trouve sa copine, la détentrice des clés de l’auberge, celle-ci n’étant plus chez elle ; elle va d’un immeuble à l’autre dans la rue. Elle revient à notre hauteur ; elle croit entendre la voix de son amie dans un bar, plus haut à une cinquantaine de mètres, elle y court ! Ce n’était pas elle ! Elle met alors à contribution son fils qui vient d’arriver ; je ne saisis pas ce qu’elle lui demande, toujours est-il qu’il repart avec sa voiture.
    Une dizaine de minutes après, nous sommes toujours sur le même trottoir, devant le même bar qui n’a encore pas fermé, lorsqu’un automobiliste s’arrête devant nous, la dame des clés est à ses côtés, tous deux nous demandent de monter. Elle est avec son mari, ils nous emmènent à l’alberg ; nous nous réchauffons à l’intérieur du véhicule en écoutant leurs explications, ils étaient dans leur deuxième maison qu’ils sont en train de retaper…

    Lorsqu’on a tiré la porte tout à l’heure, pour la fermer, la serrure qui, apprend-on, a quelques problèmes, s’est détraquée et s’est bloquée !

    Enfin, nous avons récupéré notre logement !


    1- bon appétit
    2- ouvert toute l’année (en catalan)
    3- au revoir
    4- auberge (en catalan, cette fois)
    5- Sainte Vierge !

    Je suis allongé au premier étage de mon lit gigogne, près de la fenêtre. Stéphane est au rez-de-chaussée du sien, de l’autre côté. Nous ne faisons pas chambre à part mais notre couche n’est plus commune.
    J’ai volontiers étendu ma grande carcasse sur ce matelas dépouillé, après cette nouvelle longue « battue » et cette soirée mouvementée ; cela devenait urgent.
    Je n’ai pas eu la volonté de déplier mon sac de couchage bien emballé dans son sac plastique bleu et fixé sur le porte-bagages du vélo. J’ai enfilé une deuxième paire de chaussettes de vélo, les plus épaisses, mon sweat-shirt et j’ai gardé mon short pour me protéger du froid cette nuit, nous n’avons rien trouvé pour nous couvrir.

    L’accueil que nous ont réservé l’Espagne et les Espagnols a été particulièrement chaleureux et réconfortant, malgré les petits déboires.

    Nous totalisons, après ces quatre journées, presque cinq cent cinquante kilomètres, soit environ le tiers du chemin prévu.

    Je me mords les doigts de ne pas avoir défait mon sac de couchage, je suis tout recroquevillé sur moi-même pour résister au froid de la nuit. Nous sommes en Espagne mais encore en los Pirineos1.

     
    1- dans les Pyrénées

     

    Mercrdi, 8 juin 2000. Nous franchissons les Pyrénées. ¡ Hola España !

    Il est passé par ici, il va repasser par là...

     

    Mercrdi, 8 juin 2000. Nous franchissons les Pyrénées. ¡ Hola España !

    Un peu de plat, sur ce sommet, nous mène au col de Perche.

     

    Mercrdi, 8 juin 2000. Nous franchissons les Pyrénées. ¡ Hola España !

    La N116 s'arrête ici à Bourg-Madame... puis devient espagnole et N152...


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  • Stéphane dort encore, la chambre est mi-obscure.
    José est presque prêt, il est en train de se préparer quelques pâtes sur son petit réchaud à gaz ; il a besoin de faire le plein d’énergie. Sa lampe électrique est dirigée sur la casserole, il surveille la cuisson.
    Le clocher sonne, sept fois ; ce matin, nous partirons plus tôt qu’hier.
    José : « Il souffle encore ! », parlant du vent. Les deux cuissards, dehors, sont ballottés.
    Les moteurs ronflent déjà dans la rue.
    Ma crevaison d’hier me revient à l’esprit, je n’ai pas réparé ma chambre à air ! Il faudra que j’y pense, il y aura bien un soir plus tranquille…

    Départ prudent, à huit heures, après avoir pris notre petit déjeuner au bar, nous avons fait l’ouverture. La route sera longue, José aura-t-il récupéré ?
    La température a chuté, et pour cause ! Il fait presque froid, j’ai revêtu le K-way. Nous roulons serrés, je mets à l’abri mon petit monde, en restant devant.
    Salles-d’Aude est très proche de Fleury, puis nous passons Coursan et continuons sur Cuxac-d’Aude. Neuf heures trente, Moussan est déserte et tranquille. Les volets métalliques gris de la « Boîte à tifs » remontent ; en face, une boulangerie : petit casse-croûte pour tenir jusqu’à midi.

    Et toujours la même tramontane qui nous contrarie.
    A Cuxac-d’Aude, je n’ai pas remarqué beaucoup de vestiges des dégâts occasionnés l’année dernière par la crue de l’Aude.

    De Cuxac à Moussan, après un petit kilomètre sur la D35, la D369 nous emmène, entre des vignes bien proprettes. Moi qui n’aime pas les mauves quand elles envahissent mon jardin, j’apprécie la petite haie que celles-ci nous font tout le long de cette mignonne route qui n’est probablement utilisée que par les agriculteurs riverains. Quelques plants de fenouils se détachent de ce cordon violacé.
    Puis des champs de blé, ils sont bien avancés. Quel changement par rapport à hier, d’autant qu’il me semble que la tramontane faiblit… Mais faiblit-elle vraiment ? Hélas non ! Elle ne disparaît que dans mon imagination…, tellement je l’exècre !

    Finies les étendues plates, le paysage se vallonne. Nos routes contournent Narbonne par l’est.
    En descendant sur Montredon-des-Corbières, nous faisons un bout de chemin avec des hirondelles qui se plaisent à nous frôler.
    Sur notre tête, l’autoroute de Carcassonne, puis sur notre gauche une petite route qui mène à l’abbaye de Fontfroide. Des vignes, des collines, collines qui s’élèvent et deviennent rocheuses. Que de routes des vins dans ces Corbières !
    José est attardé, le vent qui n’a pas vraiment faibli, le ralentit considérablement.


    Nous voilà à Saint-André-de-Roquelongue, à une heure avancée de la matinée, là où il était prévu de faire étape hier soir. Comme promis à José, nous nous mettons à la recherche de madame Griffoul qui demeure domaine Albarel et à qui nous voulons de vive voix dire nos excuses. Huit cent cinquante habitants dans ce village mais les Griffoul sont foule et tous plus ou moins parents et presque tous propriétaires de gîtes ruraux ! Il y a le Jérôme, l’André, Paul et les autres… Quant au domaine Albarel… ; après deux tours complets du village et de Griffoul en Griffoul, nous nous retrouvons bredouilles. Maintenant, il faut décamper. Il n’est pas possible que par l’intermédiaire de tous les Griffoul qu’on a vus et à qui on a expliqué notre quête, notre hôte ne soit pas informée de notre passage...
    Devant l’école, des parents, des grands-parents, ça va être la sortie des petits Griffoul, il y a peut-être là pépé Jérôme ou mémé... Il ne doit pas être loin de onze heures trente.

    La minuscule D423 traverse le village de Montséret, tout aussi minuscule, et devient D123 mais pas plus large, avant de se jeter sur la D611, nouvelle route des vins. Le parcours est bosselé, sans atteindre toutefois des sommets et le Relais Saint Victor à Ripaud vient à pic, un relais sympathique au croisement des deux D611. Là-bas, sur la gauche, du côté de la mer, à quatorze kilomètres, il y a Sigean et sa réserve.
    Le buffet copieusement garni de hors-d'œuvre nous rassasie dans un premier temps. Avec le reste, nous serons bien repus.

    Plus dure sera la route, elle monte tout de suite ; en sortant, le soleil nous surprend, Stéphane se protège en s’enduisant de crème.

    Durban-Corbières, Villeneuve, toujours des Corbières, nous poursuivons par la D611. Les vignobles réputés de Fitou nous sont signalés là-bas à flanc de colline ; pas étonnant que les vins produits ici soient si généreux, si charnus.
    Si la population est rare, les couleuvres doivent grouiller dans ces pierres qui nous entourent, de gros cadavres jonchent la route.

    Quand deux paires de lunettes s’emberlificotent les cordons et que des grosses mains gantées essayent de désembrouiller le tout…, ça fait râler le René ! J’ai des problèmes avec mes lunettes de soleil et mes lunettes de vue que je porte, les unes sur le nez, les autres suspendues autour du cou, tantôt pour la route, tantôt pour lire la carte. Leurs cordons se croisent et se recroisent parfois et comme il m’arrive de faire ça en roulant, et donc sans lunettes, forcément, la situation est embrouillée et peu confortable.
    Dorénavant, je fixerai celles de soleil sur ma tête, avant de porter à mes yeux celles de vue, les fils ne s’entortilleront plus.

    Cet après-midi, j’aperçois quelques vestiges des inondations de l’automne dernier. La route longe la Berre, elle a dû forcir aussi, encore des arbres déracinés, son lit est mouvementé. Un héron, c’en est véritablement un, décolle ; il vole le cou replié entre les épaules, nous l’avons dérangé dans sa partie de pêche. Tantôt des paysages tourmentés, rocailleux et sauvages, tantôt des ceps prospères ; nous nous élevons, au col d’Extrême, à deux cent cinquante et un mètres.


    Le macadam porte des inscriptions, blanches : « ALLEZ LINO » ; j’ai un doute…, non il ne s’agit pas de Lino, l’ami de Georges, croisé hier du côté du Mont Saint Clair, il s’agit de Pascal, le cycliste. Elles doivent dater de l’année où il brillait dans le Tour de France, sous son maillot jaune inespéré ; je ne me souviens plus laquelle.

    Dans la descente de l’Extrême, où je me laisse aller, je m’aperçois soudainement que je suis seul, je ne vois personne au bout de la longue ligne droite derrière moi ! Je fais demi-tour, inquiet de tant d’écart. Les voilà ! José a dû s’arrêter pour récupérer sa béquille ou plus exactement celle de son vélo ; les vibrations ont eu raison du boulon qui la fixait. Il n’est pas surpris ; le mécano qu’il est, n’a pas mis de « frein filet » lors du montage.

    Sur les portions plates, nous roulons groupés ; dès que la route s’élève, l’écart se creuse entre José et le fidèle Stéphane et moi qui vais en éclaireur.

    Au château de Nouvelles ; on aperçoit les hauteurs du massif pyrénéen, des hauts sommets coiffés de blanc, probablement le massif du Canigou.
    Tuchan est devant nous, en bas, blottie au pied du mont Tauch nu et désert. Le premier garagiste, à l’entrée de la ville, ne veut pas lâcher son téléphone, on s’arrêtera chez le prochain. Il faut continuer jusqu’au hameau suivant.
    Cette fois la béquille ne se desserrera plus.

    Château de Quéribus, château de Peyrepertuse, château d’Aguilar, que de châteaux aux alentours ; ces Cathares avaient de drôles d’églises.

    A Estagel, pays natal de l’astronome et physicien François Arago, après un petit bout de route sur la D117, la D611 devient 612 et s’élève à nouveau.
    Nous passons le col de la Bataille, pas très haut, avec ses deux cent soixante-cinq mètres, mais la montée, toute en lacets, ressemble à celle d’un vrai col.
    Cette ascension est une première, l’occasion sérieuse de tester mon nouvel équipage. Il se confirme que je ne peux pas décoller mon arrière-train de la selle, j’ai trop de ballant à l’arrière, dû à un trop haut centre de gravité. Ma machine, au départ, n’est pas conçue pour être randonneuse, le porte-bagages que je lui ai rajouté est inadéquat.
    Des vignes, des deux côtés de la route, je vais allègrement entre celles-ci, le pourcentage est modéré, pas de quoi faire rougir mon vingt-six dents, et puis le dernier tronçon qui va nous mener droit à la frontière est juste derrière, il me donne des ailes !
    Avant d’attaquer la descente vers Millas, j’attends José et Stéphane. Je suis vraiment inquiet, nous n’avons pas encore entamé les grosses difficultés et José n’a pas l’air d’avoir récupéré. C’est la fin de l’après-midi, on n’aura pas rattrapé ce soir le retard d’hier, on en a trop pris. L’étape prévue est Thuès-entre-Valls, après Olette ; resterait encore une soixantaine de kilomètres.
    Nous ne coucherons pas à Thuès, tant pis pour les arrhes que j’ai envoyées.

    A Millas, le « tango » est de rigueur, au premier bar. Je demande à José si on prolonge un peu plus ; il acquiesce mais je sens bien qu’il ne faudra pas trop tarder à en finir pour aujourd’hui, nous en sommes à cent vingt kilomètres.

    De Millas à Ille-sur-Têt, nous empruntons la D916, parallèle à la nationale 116 qui relie Perpignan à Bourg-Madame. Puis nous continuons sur cette grand route.

    A Vinça – nous en avons rajouté quinze – nous cherchons un hôtel pour arrêter là. Il y en a bien un, mais il est fermé. Un espoir à la sortie du village, mais cette auberge ne fait pas hôtel ! Va-t-on devoir sortir le sac de couchage ?
    Moi je ne suis pas très chaud, d’autant que Prades n’est plus qu’à neuf kilomètres, mais je suis conscient que José doit en avoir « ras la patate »…
    On va avancer un petit peu plus, en espérant trouver au plus tôt.

    Un long et large plan d’eau, sur la droite de notre N116 ; depuis Vinça, la route monte, lentement mais sûrement.
    Je peste contre l’absence de piste cyclable sur cette grande voie ; heureusement, la circulation est modérée. Mais que voient-ils de ces trois cyclos fatigués, ces conducteurs avides de vitesse ? Et celui-là qui passe en trombe, sans daigner lever le pied, mais c’est un chauffard !

     

    ♫ Y’a les bandes blanches qui défilent
    Et la vie qui s’accroche à un fil
    Tu es dans la zone rouge du compteur
    Mais tu ne t’occupes plus des couleurs
    Il faut surtout pas que tes mains tremblent
    Y’a les troncs des arbres qui t’attendent
    Même dans les passages difficiles
    Y’a les bandes blanches qui défilent

    Y’a le vent qui siffle sous les tôles
    Et le cri des pneus quand tu décolles
    Et derrière toi la nuit qui retombe
    Sur le sillage étroit de ta bombe
    Est-ce que c’est ton cœur
    Qui fait hurler la machine
    Ou bien le moteur
    Qui bat dans ta poitrine
    Et qui propulse ton projectile
    Entre les bandes blanches qui défilent

    Chauffard, chauffard !
    Tu vois le monde autour dans des brumes liquides
    Et c’est pour ça que tu cours toujours sur la voie rapide
    Chauffard, chauffard !

    Toi t’es un chauffard ♫

     

    La circulation ne nous aura pas du tout gênés tout au long de la journée, sur des routes écartées de la folie des automobiles. Mais cette nationale, il m’était difficile de l’éviter, l’objectif étant, après les Corbières, de passer au plus direct la frontière.

    Depuis quatre kilomètres, de l’eau ; c’est la Têt qui prend ses aises. Au bout du plan, au bout du jour, la fin de nos soucis, en bordure de route, l’auberge d’Eus, au sortir de Marquixanes, à peu de distance de Prades. Plutôt luxueuse l’auberge, plutôt déserte mais le prix est intéressant, la chambre pour trois nous coûtera deux cents francs.
    Il est vingt heures quinze, nous avons parcouru cent quarante-six kilomètres sur un peu plus d’un tour de cadran.
    Pour nous remettre de notre recherche désespérée et tardive, nous revoilà au bar devant une bière salvatrice. L’hôtelier, qui est seul apparemment, n’est pas trop chaud pour nous accompagner à la chambre. Il préfèrerait que l’on dîne avant ; nous le comprenons volontiers… Si on monte, on prend la douche et on ne revient pas avant vingt et une heures dans le meilleur des cas, et plus tard se terminera le repas. Il a très envie d’en finir pour aujourd’hui, lui aussi.

    José, grave, nous assène sa décision, il arrête son périple là !
    Il nous dit qu’il préfère stopper maintenant, avant le passage des Pyrénées, pendant qu’il est en France, plutôt que d’être obligé éventuellement, plus avant dans le voyage, de rebrousser chemin, dans un pays dont il ne parle pas la langue, et un peu plus épuisé… Des trois que nous sommes, je suis le seul à me dépatouiller en espagnol, j’en ai surtout une bonne compréhension.
    Je sais qu’il a souffert hier contre la violente tramontane, avec son lourd et surtout volumineux chargement, que cela s’est aggravé aujourd’hui avec le début des bosses cet après-midi, et avec encore du vent contraire ce matin.
    Il a réalisé qu’avec cette lassitude initiale, ça lui serait dur de tenir encore onze jours sur des routes sûrement plus difficiles, il sait aussi que nous sommes assez coincés par les délais.
    Ça a dû commencer à effleurer son esprit hier soir et il a probablement ruminé sa décision tout aujourd’hui ; le rêve se casse au moment où il va être vécu… Sa résolution n’est pas irréfléchie et elle est irrévocable ; ma proposition de nous accorder une demi-journée de repos demain matin et de ne faire qu’un petit bout de route l’après-midi n’a pas eu son approbation.
    J’admire chez José sa droiture, sa franchise ; il prend une dure et sage décision.
    Roger n’a pas pu partir, maintenant c’est José qui ne veut pas prendre le risque de poursuivre, je suis peiné ; mais je me dois de continuer.

    Nous ferons ce voyage à deux.

    Dans la grande salle à manger, immensément calme, nous sommes seuls, servis comme des princes. José a tenu à nous offrir ce dernier repas, il nous propose le « menu du Roussillon ».
    L’abondance de la conversation m’épate réellement, mes deux compagnons n’arrêtent pas ; Stéphane nous raconte son service militaire en Allemagne, José nous parle de l’Algérie puis ils en viennent à l’éducation des enfants…
    De temps en temps, je lorgne sur l’assiette de Stéphane, elle est toujours aussi longue à se vider. Il parle, il parle et de plus il mange lentement. J’écoute, mais j’ai tout le loisir de regarder à travers la fenêtre.

    Les contreforts pyrénéens sont assombris mais le ciel qui les enveloppe est d’un bleu clair limpide, des filaments rosés l’illuminent. Il est pourtant vingt et une heures quarante-cinq. Un champ de jeunes pêchers en contrebas, nous en avons vu souvent cet après-midi, leur feuillage agité m’indique qu’une légère brise souffle de l’est ; si celle-ci se maintient jusqu’à demain, ce sera bon pour nous, pour monter vers Mont-Louis.


    Ce soir nos vélos vont coucher dehors, ils seront à l’abri des regards derrière la haie, l’antivol que m’a prêté Roger fera son office, il lie les trois.

    Nous récupérons nos bagages laissés dans le hall, il est vingt-deux heures quinze lorsque l’hôtelier nous conduit à notre chambre.
    L’hôtel est désert , rares doivent être les clients en cette période ; à l’étage, dans le long couloir, ma tête, la plus haute du groupe, se prend dans les toiles d’araignée ; je suis, en outre, contraint de me les traîner jusqu’à la chambre, mes mains étant affairées à mes bagages.
    On est vraiment hors saison, ici, du côté de Prades.

    J’ai cuit un peu plus aujourd’hui, malgré l’écran total de Stéphane. J’ai tout vidé ce soir, je n’ai toujours pas trouvé mon tube de crème solaire, il a dû rester aux Piellettes.
    Dans ma trousse de toilette, le tube de pommade anti-inflammatoire est bien là ; lui aussi craint le soleil, il a beaucoup sué ; quelle bonne idée que le petit sachet plastique, les débordements n’ont pas été bien loin !
    Stéphane s’est rasé, le matin il n’est pas très disponible. Demain il va falloir que j’essaie, quand bien même la grille de mon rasoir soit déglinguée, de me refaire une façade présentable. Je ne veux pas avoir l’air d’un bandit de grand chemin, on rentre en Espagne. En route, trouverai-je une grille de rechange ?

    Après la douche, enfin le lit… il est onze heures trente. L’eau s’est adoucie ce soir, elle élimine difficilement le savon, nous sommes en montagne.
    Dans une chambre d’hôtel pour trois, il y a en principe un lit à deux places et un petit ; je ne demande plus à Stéphane s’il veut coucher avec moi ; troisième nuit dans le même lit.

    Je n’ai pas fermé les volets, la lumière nous réveillera demain matin, au cas où. De l’autre côté de la Têt, sous le ciel clair, le pittoresque village d’Eus accroché à la roche et surplombé par un château, est tout illuminé.


    J’ai de plus en plus envie d’aller de l’avant dans cette chevauchée.

     

    Mercredi 7 juin 2000. Une longue journée, une douloureuse décision.

    Avant d’attaquer la descente vers Millas, j’attends José et Stéphane.

     

    Mercredi 7 juin 2000. Une longue journée, une douloureuse décision.

    Un tango salvateur (bière et grenadine), me conseillait un autre René quand, sous la canicule, il en avait "ras la patate" !


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  •   Qu'on se le dise au fond des ports
    Dise au fond des ports
    Au moindre coup de Trafalgar
    C'est l'amitié qui prenait le quart

     

    C’est ce matin, 6 juin, qu’a choisi la grille de mon rasoir pour me lâcher, elle présente des fissures inquiétantes !
    Madame Bertocci nous fait déjeuner dans sa petite cour intérieure, vite fait, bien fait.

    C’est dans la rue que nous reficelons nos chargements, sans la douceur d’hier soir ; il fait plutôt frais, le coupe-vent s’impose. Un de mes petits colliers plastique d’électricien va dépanner José, du côté de son dérailleur arrière.
    « Vous êtes ben courageux », nous lance la mémé d’en face, depuis son pas de porte.
    « Oh oui ! », répondons-nous, à l’unisson.
    « Vous allez avoir du vent aujourd’hui. »
    Intéressé, « Lequel ?», je réponds, inquiet ; le vent, le plus grand ennemi du cyclo !
    « Oh, la tramontane ! »
    « Aïe, aïe, aïe ! », les deux connaisseurs du trio s’exclament ; pas réjouissante la prévision.

    En route pour le Grau-du-Roi, la D979 tire droit.
    Le ciel est gris, bien plus qu’hier ; il ne se dégagera que dans l’après-midi. Une première crevaison, pour ma pomme, peu après le départ, pour rajouter à la morosité de ce début de journée. Il faut bien être deux pour démonter la roue arrière d’un vélo chargé.
    Une grosse appréhension me gagne, due à un départ trop tardif à mon goût car nous n’avons démarré qu’à neuf heures, à cette crevaison, à cette longue étape que j’ai prévue jusqu’à Saint André-de-Roquelongue dans l’Aude, et puis à ce vent mauvais annoncé.

    Des étendues d’eau, de part et d’autre, nous sommes en limite est de la Camargue. Après les deux bras du Rhône d’hier, ce matin, sur notre droite, le canal du Rhône qui prend l’eau à Beaucaire et que l’on va suivre jusqu’à Sète. Sur notre gauche, les caves de Listel et derrière, toujours des salines.
    Encore peu de Graulens dans les rues du Grau ; maintenant, suivre le bord de mer. Peu de trafic également dans la station balnéaire de La Grande Motte ; au passage, le quartier de la Petite Motte.
    Au Grand Travers, la mer et le sable réapparaissent après le béton, la mer, la vraie mais avec sa couleur des jours tristes, verte.
    Le bord de mer et la D59 ne connaissent pas encore l’affluence de la pleine saison. Puis la longue, longue Carnon, déserte, des volets gris descendus… on est hors saison, encore, en ce début juin.

     

     ♫ C’est le silence
    Qui se remarque le plus
    Les volets roulants tous descendus
    De l’herbe ancienne
    Dans les bacs à fleurs
    Sur les balcons
    On doit être hors saison

    La mer quand même
    Dans ses rouleaux continue
    Son même thème
    Sa chanson vide et têtue
    Pour quelques ombres perdues
    Sous des capuchons
    On doit être hors saison

    Le vent transperce
    Ces trop longues avenues ♫

     

    La mer qu’on voit danser, à proximité, sur notre gauche, entre les pavillons resserrés et désertés, n’a pas ses reflets d’argent.

    Je discute avec un cyclo qui roule au pas dans l’interminable rue. José et Stéphane, un peu en arrière, me rejoignent. Le cyclo bifurque à droite, direction Montpellier, il passera à Pérols. Nous longeons l’étang du même nom.
    Sur ces étendues d’eau, qui commencent à s’agiter, des flamants roses courbés, les ailes bien plaquées et le bec dans l’eau, des véliplanchistes sur leurs planches qui fusent, beaucoup plus vite que ces trois cyclistes courbés au maximum sur leur guidon. La tramontane est bien là !

    Un goéland vorace s’affaire sur un poisson serpentiforme, probablement une anguille, pas du genre menu fretin, qui n’en peut mais. Lorsqu’il aura fini d’en découdre avec l’énorme bête qu’il malmène dans son bec et s’il arrive à engloutir sa proie, ce goéland vorace va avoir du mal à décoller.

    Des fonds vaseux, malodorants parfois ; et pourtant, de-ci de-là, des publicités immobilières, «Résidences Tahiti» entre autres ; manquent les cocotiers et bien d’autres choses… 
    Nous quittons le bord de mer peu après, au niveau de Palavas-les-Flots ; la D21E termine là sa course et puis plus de chemin possible. Trois kilomètres de la grande départementale D986, celle qui va dans les semaines estivales qui viennent, emmener les Montpelliérains vers les flots bleus de Palavas, et trois autres sur la petite D185, nous conduisent à Villeneuve-les-Maguelone, petit village perché sur une colline, dominant l’étang de l’Arnel. Dans ce secteur proche de Montpellier, nous sommes entourés de moult camions de la S.M.N. , Société Montpelliéraine de Nettoyage (celle de Sa Majesté Nicollin !), au service de l’environnement.
    Le village est tranquille, ici peu de voitures, il semble être à l’écart du « trafic », c’est l’heure de la pause.

    Deux baguettes et quelques brugnons achetés sur place, plus le sauciflard que José charrie, constituent notre casse-croûte. Déjeuner de choix dans notre Abribus, le sauciflard est en fait un saucisson de taureau et le vin qu’il nous fait boire de sa gourde est du côtes-du-rhône ! José nous a gâtés.
    Par contre le vent nous a beaucoup freinés, une quarantaine de kilomètres parcourus seulement, pour une étape qui devait en compter environ cent cinquante !
    Lorsque nous redémarrons, je pense à la bonne centaine de kilomètres qu’il nous faudrait faire pour rallier Saint-André-de-Roquelongue où j’ai retenu une chambre d’hôte, alors que le vent forcit…

    De drôles d’oiseaux, rares, haut perchés, regardent passer trois vélos en ce début d’après-midi. Un instant, je suis déboussolé… des autruches ! Ce sont les autruches de l’élevage du Mas d’Andos, peu après Villeneuve. Elles finiront en pâtés, rillettes, saucissons, viande séchée ou plats cuisinés. La chose n’est pas singulière : peupler nos basses-cours de ces hauts volatiles ! Je m’émeus, mais il faut bien donner matière à nos papilles gustatives.

    Nous côtoyons l’étang de Vic par la D116, la D114 puis la mer par la D50 qui s’arrête à Frontignan-Plage, belle piste cyclable sur ces deux dernières.
    On est à l’abri sur cette nationale N112, toujours sur le bord de mer, qui nous conduit à Sète, mais pas aujourd’hui ! Car le vent ne souffle pas de la mer mais du nord-ouest et la grande muraille qui constitue l’abri est sur notre gauche et protège en fait la route des embruns, par vent marin.

    Au loin, le Mont Saint Clair parsemé de constructions, il ne lui reste plus beaucoup de vert. Rajoutez-en un peu plus, et ce ne sera plus un mont mais un immense lotissement.
    L’ami Georges doit se retourner dans sa tombe. Ah ça mais ! Salut à toi, le bonjour à Lino ! C’est toi qu’on chante, sétois qu’on aime. Vingt ans après ou presque, Georges, tu « frères » encore.

    La route monte au sortir de Sète que nous venons de traverser sans détour ni contour, la mer est là, proche et lointaine, verte, belle.

    La N112 continue sur une étroite bande de terre, prise entre deux eaux, le bassin de Thau et le golfe du Lion.
    Pendant une vingtaine de kilomètres, nous allons être une proie facile pour la tramontane.
    La mer, à deux pas de la route, semble vouloir se soulever, nos frêles embarcations sont secouées. Difficile de rester sur le bord de la route, le vent nous rabat vers l’intérieur où circulent encore quantité de véhicules. Les rafales sont rapprochées, il faut se cramponner, penchés sur le guidon, pour éviter les écarts intempestifs. Les vélos se couchent sur la droite pour compenser le souffle qui vient de travers et maintenir le cap.
    Pendant que je lutte devant, la casquette descendue sur les oreilles, José et Stéphane sont très loin derrière. Je ne veux pas plus ralentir pour mieux résister et me sortir de cet enfer le plus vite possible. Je reste toutefois à portée de leur vue. José doit en baver avec ses volumineuses et lourdes sacoches, il s’est embarqué avec dix-huit kilos de bagages alors que je n’en ai que dix, Stéphane un peu moins ; les chargements sont proportionnels aux âges, l’inverse serait plus logique ! Le vent a de quoi fouetter et il ne s’en prive pas.
    Cela va laisser des traces, et Agde qui n’arrive pas !
    Un peu de répit enfin, Agde, Vias après avoir quitté la N112 pour la D912.

    J’ai une prédilection pour les chemins de traverse. Ceux que nous empruntons maintenant, voire même les routes, ne sont pas numérotés sur la carte. Après avoir pris la direction Vias-Plage, nous bifurquons subrepticement à travers de grandes étendues de vignes, le canal du Midi est proche. Un petit bout de D37, puis à nouveau des chemins très praticables à travers les vignes, entre Portiragnes et Sérignan où nous retombons sur des voies plus pratiquées.
    Nous roulons maintenant groupés. Je suis fier d’avoir retrouvé le bon passage, à travers ce dédale de chemins ; je n’étais pas certain de me repérer, même en ayant pris la précaution de reconnaître le parcours, en voiture, quelques mois auparavant, à l’occasion d’une visite chez le tonton de Lespignan.

    C’est la fin de l’après-midi. Le vent s’est quelque peu calmé mais le parcours est devenu plus difficile car bosselé, nous sommes toujours entourés de vignes. José est maintenant souvent décramponné mais Stéphane reste en permanence derrière lui, il le laisse pédaler à son train.
    J’évolue, si je puis dire, « en éclaireur », mais pas très avancé, ayant déjà emprunté ces routes en deux occasions, en voiture.
    Nous arrivons dans Lespignan. Un fin liseré bleu clair, lointain, se détache sur l’horizon, signe de beau temps à venir ; c’est de bon augure, parce que là-bas, ce sont les Pyrénées. On va arrêter là pour aujourd’hui. Pas question d’essayer de se rendre au terme prévu, il est distant de quarante kilomètres. Le temps et la fatigue nous ont gagnés.
    Mais où se poser pour la nuit ?
    Commence une course à la piaule, avec l’aide des Lespignanais. Le premier hôtel indiqué, est fermé ; il y en aurait un autre, mais il a été…, il n’est plus ! Il y en a un à Nissan, à cinq kilomètres, il y en aurait un aussi à Fleury, à six kilomètres, mais ça n’est pas garanti ! Fleury est sur le parcours prévu, Nissan nous en éloigne.
    Premiers coups de téléphone du bar, mais même si Fleury est tout proche, l’annuaire proposé est celui de l’Hérault et Fleury se trouve dans le département de l’Aude ! Par l’intermédiaire des « Renseignements » que j’appelle cette fois de la cabine publique, parce qu’au bar ils sont bien sympathiques mais nous ne voulons pas abuser, j’obtiens le numéro du « Vieux Pressoir », un restaurant de Fleury, faute de pouvoir joindre directement l’hôtel Mestre. Finalement, c’est le patron de ce restaurant qui nous confirme l’existence de cet hôtel et il nous propose d’annoncer notre venue, lui-même, à l’hôtelier qu’il connaît bien.
    Encore un coup de téléphone, cette fois pour Madame Griffoul de Saint-André-de-Roquelongue, pour lui raconter nos difficultés du jour et nous excuser. Elle me réconforte en me disant qu’elle m’avait proposé cette chambre pour nous dépanner, que ses locations sont à la semaine, elle ne m’avait d’ailleurs pas demandé d’arrhes  ; elle me dit de ne pas nous inquiéter, que cela ne lui occasionne aucun désagrément.
    Je suggère à José qui est quelque peu perturbé par ce contretemps, de nous arrêter demain matin chez cette propriétaire compréhensive pour lui renouveler nos excuses.
    Après cet intermède agité, six kilomètres supplémentaires et toujours ces rafales de vent, nous arrivons au terme imprévu de ce deuxième jour et de ses cent vingt-deux kilomètres ventés.

    L’hôtelière, qui nous attendait, me remet les clés des chambres 3 et 4 du premier étage et me demande d’aller choisir, elle est trop occupée au bar. La première que j’ouvre fera très bien notre affaire, il y a de la place pour trois et une salle de bains. Nos vélos passeront la nuit à l’abri, dans un recoin de couloir du rez-de-chaussée. Et cela ne nous coûtera que cent vingt francs !

    Le soleil, malgré les nuages, en a rajouté un peu plus, le dessus des cuisses commence à brûler ; même si à première vue, le temps ne s’y prête pas, il va falloir se protéger.

    La nuit est tombée, le vent est toujours là, il fait frais dans la rue, à la recherche du « Vieux Pressoir  », où nous nous devons d’aller dîner.
    Le patron est heureux de nous voir chez lui, et nous, de venir le remercier. C’est quelqu’un de très sympathique et nous l’avertissons que nous sommes affamés.
    Il nous propose une cassolette de fruits de mer accompagnée de riz puis gâteau pour un prix modique ; le « Vieux Pressoir » est un restaurant gastronomique. Amis cyclos, il vaut le détour et la musique de fond, façon radio Nostalgie, ne gâte rien.
    Nous serons ses seuls clients ce soir.
    Le dessert est à l’Annie.

    ♫ Ça ira mieux demain
    Ça ira mieux demain
    Il faut profiter du jour qui vient ♫

    Que ce soit au pique-nique ou au restaurant, Stéphane mange toujours aussi lentement.

    C’est en courant que nous regagnons l’hôtel, la température a considérablement chuté, je suis pris de tremblements.

    La hantise de Stéphane : les plumes ; il ausculte à nouveau l’oreiller, ses problèmes d’asthme lui interdisent plumes et duvets. Nous nous glissons à nouveau tous les deux sous les mêmes couvertures…

    Le clocher du village égrène les heures ; de deux à six, il n’en rate pas une ! Je les égrène avec lui. Aucun de nous trois n’a pensé à fermer les volets, il ne fait pas nuit noire, je vois s’agiter les deux cuissards suspendus dehors.

    Dure journée, le vent ne nous a pas épargnés, j’espère que José n’aura quand même pas trop été à la peine. Si la tramontane nous a contrariés, par contre, nous avons déroulé le parcours tracé et effectué les traversées de La Grande Motte, Sète et Agde, des vignes de Portiragnes, sans encombre et sans nous égarer.

     

    Mardi, 6 juin 2000. Qu'on se le dise...

     Georges, tu "frères" encore !

     

    Mardi, 6 juin 2000. Qu'on se le dise...

    Le clocher égrène nos heures...


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  • Huit heures, Maison Carrée de Laure, ils sont venus, ils sont tous là.

    Il y a même Dédée, les deux Michèle avec des appareils photo plein les bras. Avec Stéphane, nous sommes les derniers à rejoindre le groupe. Un peu de stress pour arriver à tout caser dans mes trop petites sacoches hier soir et charger la monture ce matin, mais nous voilà le cœur battant, le projet est maintenant réalité.

    Roger est là bien sûr ; il a tenu, ne pouvant faire ce voyage, à nous accompagner, en cette première journée. Avec lui, l’inévitable René, celui des Bas de Laure ; son pote l’ariégeois, le p’tit Robert ; François, le spécialiste de la diagonale, genre Brest-Menton ou Dunkerque-Perpignan, lui aussi avait envisagé un moment faire partie de l’équipée mais il a préféré les Etats-Unis à l’Espagne ; Maurice, le boute-en-train malgré les faiblesses de son palpitant ; André, le Grec des Chicolles et son beau vélo ; Dédé le président, sa voix tonitruante m’a averti depuis quelques dizaines de mètres qu’il était là. Le V.C.G. est venu en nombre faire un brin de voyage, en ce premier jour.

    L’écurie « Peugeot » est en force sur cette ligne de départ, avec la costaude randonneuse de Stéphane, la fière monture de Roger et ma « Vanoise », tout de même plus racées que l’engin de notre beau militaire. Cela n’échappe pas à Dédé et les plaisanteries sur la marque chère à Roger vont bon train.

    La compagnie des trois partants et de leurs sept accompagnateurs s’ébranle, direction Martigues, puis Fos, par une route qui nous est familière parce qu’empruntée maintes fois lors de nos parcours dominicaux. Une frayeur, au sortir de Port-de-Bouc, en bas d’une courte mais brutale descente qui nous fait passer sous un pont, un grand bruit de sacoches : José n’a pu éviter un trou et la secousse est violente, ses lourds bagages arrière ont dû faire un aller-retour vertical de quelques centimètres, dans un bruit effrayant. Un arrêt vérification s’impose : plus de peur que de mal, tout est en ordre apparemment ; mais peu après, un resserrage du dérailleur arrière sera nécessaire. José est paré, côté mécanique.

    Il nous faut maintenant éviter le plus possible la voie rapide 568 pas vraiment adaptée aux bicyclettes. Roger, aux avant-postes, nous en maintient éloignés le plus longuement possible mais pas moyen d’éviter certains tronçons. Enfin, les abords de la Crau, à l’extrémité du lourd complexe industriel fosséen, et, Carrefour de la Fossette, direction Port Minéralier par la N268 où je crois pouvoir cheminer plus paisiblement. Fatale erreur !

    Nous sommes un lundi matin sur la route nationale qui mène de Fos-sur-Mer et, entre autres, de ses raffinerie, aciérie, industrie chimique, cimenterie, à Port-Saint-Louis du Rhône ainsi qu’aux terminaux minéralier et méthaniers, autres aciérie et électrométallurgie de l’aménagement portuaire.

    Sur cette grande route, nous roulons les uns derrière les autres, il n’est pas question de sortir de notre petite bande « cyclable ».

    C’est un défilé incessant de camions ; tout ça va vite, beaucoup trop vite…

    Ils ont le souffle court et chaud ; leur passage me fait vaciller. Il doit en être de même pour Stéphane et surtout pour José, nos sacoches offrant une plus grande prise au vent. Qu’ils arrivent de face, ou bien qu’ils nous dépassent, mon maillot qui est assez lâche, est soulevé par le souffle de ces monstres. Ma direction flageole, la sacoche de guidon offre également une bonne prise, mes bras sont comme figés sur le cintre. L’oreille attentive au bruit des moteurs qui arrivent sur nous, les yeux fixés sur ma gauche, je n’ai pas trop le loisir de m’attarder sur le salin du Caban qui s’étend sur notre droite ; peu ragoûtant.

    Des poids lourds, trop de poids lourds et des voitures, toujours autant de voitures…

    Sortir vite de ce traquenard.

    Le ciel gris, gris bleu de cette matinée en rajoute à l’appréhension du jour, l’inquiétude du départ.

     

    Nous en finissons avec cette N268 pour faire un bout de chemin sur la D35, plus calme ; Port-Saint-Louis reste sur notre gauche, au bout du Grand Rhône. Encore plus tranquille, la D36 vers les Salins du Midi ; disparus les monstres vrombrissants ; un véhicule plus sympathique sur notre route : le bac de Barcarin nous dépose à l’entrée de Salin-de-Giraud. Peu de voitures avec nous sur ce bac, qui a vite fait la traversée de ce Rhône, même s’il s’agit de son grand bras, ce vieillard impénitent termine sa course un peu plus loin.

    Nous ne faisons qu’effleurer Salin et ses salines. Cette fois, on y est dans le voyage, on a quitté les chemins battus pour prendre des routes jamais pratiquées, on s’engage sur les routes de la Camargue.

     

    ♫ Et pour pas que des fous nous renversent

    On prenait les chemins de traverse

    Même s’ils ne sont jamais les plus courts

    Et quand la nuit va tomber

    Sur la voie ferrée

    On sera bien loin de la ville ♫

     

    Plutôt que de prendre la D36C vers le Paradis, Salin-de-Badon et Villeneuve, qui nous aurait fait longer l’étang de Vaccarès, comme je l’avais prévu sur mon parcours initial, nous allons continuer sur la D36 ; sur celle-ci seule, nous pouvons espérer trouver, aux alentours de midi, un bistrot qui nous accueille, en l’occurrence ce sera au village du Sambuc. C’est René qui me l’a suggéré ce matin, au départ de Laure, préoccupé par leur retour cet après-midi sur Gignac ; nos accompagnateurs du jour ont prévu de continuer déjà jusqu’à Arles ; après, la route sera encore longue, plus longue que le trajet de ce matin, et le vent qui nous a poussé, il faudra qu’ils le remontent. J’apprendrai ce soir que le retour aura été très pénible…

     Le bar, le « Flint », du village typiquement camarguais du Sambuc, nous accepte, nous et nos sandwichs, sur sa terrasse ombragée. André, le Grec des Chicolles, est affamé, depuis une paire d’heures, il grommelle ; il se jette sur ses deux longs casse-croûte qui doivent dépasser les trente centimètres, avant même que Dédé, l’Italien du Thoès, ait commandé les pastagas.

    Dédé et son bagou nous sortent de la grisaille du temps, nous font oublier le trop encombré parcours fosséen - port-saint-louisien.

     Le repas nous détend tous. René prend son temps ; Stéphane encore plus, les cafés sont servis, il n’en est qu’à son sandwich au saucisson, en a-t-il pris un comme moi, ce matin à la maison, au fromage ? Certainement ! En tout cas, il doit lui rester encore sa banane !

    Stéphane est arrivé il y a quatre jours et a pu récupérer de sa première et colossale étape.

    Dédé active la cadence, maintenant, ce qui les attend est moins rigolo. Ils sont plus loin du terme de leur journée que nous du nôtre.

    Quelques kilomètres encore ensemble, sur ce plat pays qui n’est pas loin du mien, avec un vent toujours « porteur » jusqu’au croisement avec la D570 ; là, nos routes se séparent.

    Je sens Roger très ému en lui serrant la main au moment de nous quitter, je le suis aussi ; les yeux s’humidifient. José me dira après, qu’il a ressenti la même émotion chez Roger. Je renouvelle mes recommandations à Maurice, son palpitant ne suit pas parfaitement ses efforts inconsidérés.

    Pour nous trois, le voyage commence.

    Des marais, émergent d’immenses nappes vertes ; ça et là, des aigrettes. Un vol de flamants par-dessus la route, le dessus de leurs ailes est écarlate ; les marais frémissent, les roseaux ploient toujours dans le bon sens…

    C’est sur un pont cette fois, près de Sylvéréal, que nous franchissons le Petit Rhône ; lui, de ce côté du delta, va à sa perte, près des Saintes-Maries-de-la-Mer.

     Il est à peine seize heures lorsque nous arrivons au pied des remparts de la ville d’Aigues-Mortes.

    Histoire d’attendre la propriétaire de la chambre d’hôte située rue des Travailleurs, hors des remparts, histoire aussi de réhydrater nos corps desséchés par le vent, nous contemplons, attablés sur la terrasse du premier bar à l’intérieur des fortifications, nous contemplons huit cents ans d’histoire et les murs de six mètres d’épaisseur de la Tour de Constance.

    Cent vingt-sept kilomètres en ce premier jour, nous avons dû faire une assez bonne moyenne, vent arrière, platitude et rectitude des routes aidant.

    L’entrée est étroite pour rentrer nos larges montures chez madame Bertocci, il nous faut décoincer le petit battant de la porte qu’elle ne doit pas souvent ouvrir, le vélo qu’elle utilise pour faire ses courses a aussi des sacoches mais de moindre envergure. Même tout grand ouvert, José est obligé de débâter ; ses volumineuses sacoches ne passent pas !

    La douche révèlera les effets d’un soleil pourtant qu’entr’aperçu dans le ciel nuageux de cette première journée : premier marquage au rouge. Un grand badaboum derrière le rideau du recoin bains, Stéphane s’est retrouvé les quatre fers en l’air dans la baignoire ; plus de peur que de mal !

    Un autre constat : il ne m’a pas été possible de soulager la peau de mes fesses ; je ne peux pas prendre la position dite « en danseuse », mon barda arrière balance trop, d’autant que mon porte-bagages est plutôt haut perché.

    Au démarrage, ce matin, j’ai ressenti des secousses au guidon pendant quelques minutes, puis plus rien.

    La dame d’à côté trouve les moules beaucoup trop salées, elle rouspète auprès du serveur. La place Saint Louis de cette belle enceinte médiévale qu’est Aigues-Mortes est complètement recouverte de tables, de chaises ; elle est entourée de restaurants qui ont étalé leurs terrasses… La foule n’est pas encore là… quelques touristes étrangers, en ce début juin.

    José et Stéphane ont choisi le riz à la gardianne, à l’hôtel des Voyageurs où nous sommes attablés ; comme cette céréale ne me convient pas vraiment, j’ai pris une entrecôte-frites. José n’aura pas le supplément de riz qu’il a demandé, ici, la portion est congrue.

    Après ce repas frugal, nous nous retournons chez notre hôte. Il est vingt et une heures, la température affichée sur les remparts est de vingt-cinq degrés, la nuit sera douce.

    Une chambre pour trois, au dix rue des Travailleurs, avec un lit une place et un lit deux places ; je propose à Stéphane de partager la grande couche… Elle n’est pas la plus longue. Dès que je suis allongé, j’étire ma carcasse ; mes pieds dépassent du lit d’une dizaine de centimètres.

    La maison de madame Bertocci est ancienne et décorée outrageusement : tableaux, bronzes, sculptures. Une naïade aux seins nus me domine ; dessous, suspendue, la chemise de José qui a eu droit à sa première lessive.

    Ne pas prendre du retard sur le sommeil, ne plus me poser de questions, maintenant, c’est parti ; dormir… ce sera un vœu pieux.

     

    Lundi, 5 juin 2000. En route pour Aigues-Mortes, sous bonne escorte.

     Huit heures, Maison Carrée de Laure.

     

    Lundi, 5 juin 2000. En route pour Aigues-Mortes, sous bonne escorte.

    Les trois partants.

     

    Lundi, 5 juin 2000. En route pour Aigues-Mortes, sous bonne escorte.

     Le bac de Barcarin nous dépose à l'entrée de Salin-de-Giraud.

     

    Lundi, 5 juin 2000. En route pour Aigues-Mortes, sous bonne escorte.

     Au bar, le "Flint", du village du Sambuc, on déballe nos sandwichs.

     

    Lundi, 5 juin 2000. En route pour Aigues-Mortes, sous bonne escorte.

    Aigues-Mortes, aux pieds des remparts.


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