• "Il n'y avait là que des collines pelées parcourues par les chacals, et une plaine occupée par une brousse de jujubiers infestée de moustiques : le "bled Hami" (le pays chaud) ainsi dénommé par les habitants de cette région proche du Chott Ech-Chergui (lac salé) qui le désertaient pour s'établir sur les hauteurs voisines mieux ventilées et plus saines."

    Seuls quelques fermiers européens s'étaient établis dans ces solitudes désolées, entre Mascara et Tiaret ou plus exactement entre Saida et Frenda, dans l'arrière-pays Oranais. Indépendamment des grands colons, des fermiers isolés arrivés en charrettes des villages voisins - dont les Contreras - s'installaient là et formaient en 1932, l'agglomération de Dominique Luciani.

    La vie n'était pas facile, les récoltes des campagnes cultivées étaient souvent médiocres. Votre existence était agrémentée des joies et des plaisirs simples comme les repas champêtres, de la convivialité entre les familles.

    Né le 10 mai 1916, tu es de la classe 1936 ; tu as vingt ans, ici à Dominique Luciani, et tu reçois tes "papiers militaires". Tu es inscrit au registre matricule du Bureau de recrutement d'Oran sous le numéro 1041. La durée du service militaire est de deux ans à cette époque et pour les Français d'Algérie, il s'effectue à vingt et un ans. Tu es intégré au service à compter du 15 octobre 1937 et seras affecté au 9 ème Bataillon des Chasseurs Alpins (3 ème Compagnie) à Antibes.

    Le jour venu, tu laisses douloureusement ton père Francisco et la ferme ; ta mère Anna-Maria n'est plus là, tu avais deux ans et demi jour pour jour quand elle est décédée et tu es le plus jeune de la fratrie ! Ton frère Antoine, l'aîné, qui a déjà effectué son service militaire, qui est marié depuis trois ans et qui lui, sera par chance démobilisé, restera ainsi que ta sœur Marie, la cadette, avec ton beau-frère Raphaël. Ta sœur Antoinette est partie, fillette, au village de Saint Leu, en bord de mer, apprendre le métier de couturière ; elle est maintenant mariée et vit là-bas.

    Tu pars peiné et inquiet de les savoir seuls, vont-ils pouvoir faire face à toutes les tâches qui étaient les vôtres ? Et tu ne sais pas que Raphaël, même libéré de ses obligations militaires depuis six années, sera amené, lui aussi, à quitter la ferme... deux ans plus tard... en 1939... pour suivre un chemin parallèle au tien ; tu ne sais pas non plus, que toi-même, en 1939, tu ne seras pas de retour ; tu ne sais pas où vont t'entraîner les tiennes, d'obligations...

    Direction Oran, et l'autre côté de la Méditerranée...

     

    2- Né en 16


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  • Papa, le temps est venu de graver enfin ton histoire. Ton histoire, c'est ton parcours d'octobre 1937 à août 1945, du Fort Carré d'Antibes aux Stalags Ib puis Ia en Prusse-Orientale.

    Ces huit années de ta vie, prises à ta jeunesse, tu les a racontées par petits morceaux, aux uns et aux autres, en maintes occasions ; tu voulais qu'on sache ! Nous n'avons pas suffisamment prêté attention, pas assez retenu ; nous aurions dû te faire parler davantage et surtout noter scrupuleusement ces détails qui ont fait ces huit années, ces "huit Noël sans rentrer" comme tu disais.

    Je le regrette beaucoup et je m'en veux, depuis que tu nous a quittés. Mais je m'étais fait cette promesse, en récupérant le peu de papiers militaires conservés, les quelques petites notes prises par Annie-Paule, et surtout en me forgeant un gros repentir, de réparer.

    Des recherches au Centre Historique des Archives Nationales de l'hôtel Soubise à Paris, au Service Historique de l'Armée de Terre du Château de Vincennes, des courriers au Bureau Central d'Archives Administratives Militaires de Pau, du temps passé sur internet à chercher des récits qui se rapprocheraient du tien, des contacts (pas toujours fructueux), des participations à des forums.... étalés sur plusieurs années, m'ont permis d'en savoir beaucoup plus. Je me suis également adressé au Service Historique de la Défense à Caen, au Comité International de la Croix-Rouge à Genève ; en vain pour ces deux, à  relancer. Nous allons reconstruire ton histoire, avec les infos glanées de-ci, de-là... mais ce ne sera seulement qu'une toute petite partie de ce que tu as vécu et enduré durant cette lourde période de ta vie.

    Il est juste, il est nécessaire, qu'avant que les derniers souvenirs ne sombrent dans l'oubli, et que les vieux documents ne se dispersent, que cette partie de ton chemin soit écrite, comme gravée dans la pierre, qu'elle reste indélébile ! J'y tenais, nous y tenions, beaucoup. Tu as été, tu resteras un exemple. Ton histoire est dans l'Histoire.

    "Une vague recouvre l'autre vague et les souvenirs s'effacent. Certains sont notre secret, d'autres ne nous appartiennent pas, il faut les donner ! Ils sont devenus le bien de tous. Ils sont l'histoire !"

    (Madeleine Riffaud, s'engage dans la Résistance à 18 ans, poétesse, journaliste...)

     

    1- Ton histoire, c'est du très très lourd !   ou   Nous y tenions beaucoup !   ou   On va la graver ton histoire !  ???


    1 commentaire


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