• De colères en souillures...

    J'ai vu des convois d'agriculteurs sortir de leur campagne.
    J'ai vu des pneus brûler sur le macadam, j'ai vu des flammes, j'ai vu d'épaisses et immondes fumées noires monter vers des ciels déjà si chargés, si obscurcis. J'ai vu d'immenses remorques chargées de détritus de toute sorte déversées en ville, d'autres flammes, d'autres fumées tout aussi sombres mais dont les miasmes ne me sont pas parvenus, tout ébaubi d'ahurissement que j'étais devant mon poste de télé.

    J'ai vu, sur ce même macadam, d'autres pneus, jetés depuis des ponts sur des véhicules en contrebas et ralentis, j'ai vu des automobilistes -n'en pouvant mais- slalomant entre ces pneus zigzaguant sur la chaussée.
    Là, c'étaient des rassemblements de conducteurs de taxis, dénonçant une concurrence déloyale.

    Mais j'ai vu aussi des gens qui se lèvent tôt et dont la seule faute, tous les matins, est de se rendre à leur travail, tous pourtant coreligionnaires en quelque sorte !

    J'ai vu beaucoup de colères... même la colère cachée des uns, piégés et coincés là, qui n'osent pas la dire, allant même -alors que séquestrés- jusqu'à témoigner leur solidarité, la vitre de leur véhicule à peine entrouverte, forcés malgré eux...

    Je sais les colères justifiées, celles de votre monde paysan.
    Je sais le prix du lait, je sais le travail et le trop peu qui vous revient (le quart de ce que nous le payons). Je sais que les grandes enseignes de la distribution fixent elles-mêmes le prix qu'elles paient, et qu'elles exigent encore des baisses de tarifs. Je sais votre endettement, vos maigres revenus, votre désespérance, votre lassitude ("et ça continue encore et encore") ; votre seul soulagement après une année de lourd travail : éviter la faillite ! Je sais votre questionnement : on vous impose vingt-cinq centimes le litre de lait, on paye cinquante centimes le litre d'eau naturelle qui sort de la source, je sais que cela interpelle !
    Je sais pour la viande...
    Je sais que l'été viendra et je vois déjà des remorques de fruits basculées...
    Je sais vos perspectives d'avenir sombres.

    Mais je sais aussi le contenu de ces fumées qui s'exhalent de ces gommes noires embrasées, cocktails chimiques en feu, bombes ambulantes à retardement. La grand-messe de la COP vient d'être dite, l'environnement ne serait-il plus la priorité, dans l'attente de la prochaine ?
    C'est pourtant une protection, une réflexion de chaque instant et vous en êtes le premier exemple. Vous savez préserver vos grands espaces, ne souillez pas nos petites parcelles de ciel bleu !

    Je comprends les colères mais de grâce, rejetez ces variantes du terrorisme. Elles rendent odieuses les causes dont elles se réclament et vont totalement à l'encontre du but recherché, et vous feront passer pour des voyous.
    Osez davantage vous en prendre aux responsables, aux affamés des grosses marges, responsables de votre désarroi, aux grands de la distribution ; quelquefois, c'est vrai, vous allez bien les taquiner...
    A quoi bon la pression sur le passant qui passe... pour aller chercher son lait aujourd'hui ou peut-être héler un taxi demain... sinon qui va comme vous, travailler tous les matins et qui paye en permanence les pots cassés des convulsions de toute sorte de notre société.

     

    Moult colères...


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